Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de Menon
Archives
30 janvier 2008

Ma lecture de l'Exode

Rome_Basilique_San_Pietro_in_Vincoli_Mo_C3_AFse_de_Michel_Ange


Dieu demande donc à Moïse de libérer son peuple et de s’opposer à Pharaon dont il endurcit volontairement le cœur pour que ce dernier refuse de laisser partir les Juifs. On peut et on doit s’interroger sur cette volonté de créer un conflit qui monte aux extrêmes (René Girard l’évoque dans Des choses cachées depuis la fondation du monde). Les vicissitudes que subit l’Egypte sont terrifiantes et surtout insupportables puisque les Egyptiens ne sont en rien responsable de la décision de Pharaon. Pourquoi Dieu fait-il payer des innocents ? Car le texte associe clairement Dieu aux dix plaies – on peut imaginer que le peuple égyptien est complice ou co-responsable des exactions de son Pharaon. Il est possible d’imaginer qu’ils se livrent à l’idolâtrie et à des exactions sur les Hébreux.

En tout cas, ça se passe mal pour les Hébreux dans le désert ! Tout ce qui ne marche pas droit réveille la colère de Dieu qui menace aussitôt le peuple d’extermination et seul l’intercession de Moïse retient Dieu. Mais notre Moïse n’hésite pas à massacrer son propre peuple lorsque ce dernier adore le veau d’or. Pourtant, ne pas tuer fait parti des commandements divins. Mais Dieu semble s’en moquer.

Autant dire que la violence de ce texte a quelque chose d’insupportable. Pour autant, il ne faut pas le réduire à ce que je viens d’en dire. D’une part parce qu’en lisant ce texte on comprend nettement mieux la raison de cette violence. Le monde d’alors est terrible et la vision que l’on a de Dieu l’est aussi. Assurément, il y a un anthropocentrisme à l’œuvre dans le texte et on prête à Dieu des violences et des mauvaises intentions qu’il n’a pas, Jésus nous ayant assuré de la véritable nature du Père. Donc, le ou les rédacteurs de l’Exode et ses suites interprètent la souffrance du peuple hébreu dans le désert comme la conséquence de la colère de Dieu, persuadés qu’ils sont que celui qui rend gloire à Dieu se voit réservée la vie bienheureuse sur Terre (sans doute n’ont-ils pas encore théorisés la résurrection des âmes, thème tardif il me semble chez les Juifs). Donc, on accuse Dieu des vicissitudes du désert. Néanmoins, le même Dieu que l’on accuse par exemple d’envoyer des vipères tuer des hébreux est le même qui sur intercession de Moïse soigne les blessés. En fait, Dieu assiste et nourrit mais il faut pour cela une demande. Cette même demande qu’est pour la mère le cri du bébé. Et le bébé peut très bien assimiler la mère à la cause de sa souffrance tant que celle-ci ne lui donne pas le sein.

Ensuite, je pense que l’on peut proposer une vision psychanalytique de ce texte (ainsi prouverais-je, je l’espère, l’intérêt de la théorie freudo-lacanienne). Il se pourrait que l’Exode soit un récit parabolique destiné à transmettre une vérité. J’y vois l’expression d’une souffrance qui est celle de l’enfantement. Le peuple hébreu est expulsé d’une terre nourricière en traversant une mer rouge qui plus est, comme l’enfant est expulsé de sa mère et livré au monde.

Moïse officie comme rôle de la Mère (il le reconnaît lui-même en criant un moment à Dieu qu’il n’est pas la nourrice de ce peuple) mais il ne joue pas le rôle de la Mère, mais plutôt de la sage femme ou de la nourrice. Au-delà de cela, il représente sur Terre la conscience divine qui appelle au développement de l’enfant et à son élévation au stade d’Homme. Moïse incarne la flamme de la conscience alimentée à la mamelle divine et s’il tue des israélites, c’est une façon symbolique de signifier qu’il taille dans le Moi de l’enfant pour l’empêcher de se laisser gagner par sa pulsion de mort qui conduit au vide, à l’état de non-être, de rien du tout. Hélas, l’enfant est soumis aux vicissitudes de la vie, au découragement et à la tentation de l’abandon. Abandonner, c’est se laisser infantiliser, revenir à l’Egypte et se laisser nourrir en restant esclave, refuser de prendre ses responsabilités d’adulte et de se composer un destin. Bref, revenir à la Mère, ce qui traduit un phantasme incestueux intolérable et dont le caractère tabou a contribué à la fondation de notre culture. C’est là qu’intervient Dieu qui joue le rôle du Père. En psychanalyse, le Père doit trancher le lien entre Mère et l’enfant : éviter que ce dernier reste au stade matriciel et fusionnel d’avec sa génitrice pour qu’il naisse au monde et s’accomplisse comme individu indépendant.

Il y a donc un peuple qui, on le note, est une grosse masse, celle de la conscience. Les individus ne compte pas, seul apparaît le groupe. Et ce groupe est donc taillé, tailladé, abattu, violenté, exactement comme on le ferait de la pâte que pétrit le boulanger pour préparer le pain sans levain de la paque. Le peuple hébreu se donne en nourriture qui est prête à être cuite. Son exemple et son aventure hors d’Egypte est à la fois un miroir de notre propre naissance et de notre propre souffrance face à la construction mais encore plus, la sortie d’Egypte traduit notre propre sortie du nihilisme, du bon confort lénifiant du matérialisme et du laisser allé idéologique pour aller à la rencontre de Dieu.

Ainsi, il faut dépasser le stade particulièrement violent du récit pour saisir, entre les lignes, selon l’Esprit et non la Lettre, ce que les rédacteurs de l’époque ont véritablement voulu nous dire de nous et de notre relation à Dieu.

Publicité
Commentaires
Le blog de Menon
Publicité
Le blog de Menon
Publicité