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Le blog de Menon
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19 février 2008

Enquête sur l’Apocalypse de Claude Tresmontant

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Qui a encore peur de l’Apocalypse ? Oiseau de mauvais augure, le Jean de la Révélation de Patmos a consigné sa révélation dans un texte clé de la Bible pour nombre d’amateurs d’ésotérisme et d’eschatologie : la fin du monde, comme si vous y étiez ! D’où des élucubrations diverses et innombrables qui font les beaux jours des millénaristes et autres gourous. Mais pour Claude Tresmontant, l’Apocalypse n’est pas à craindre, loin de là, puisqu’elle serait déjà terminée, finie et ce depuis 70 après Jésus-Christ, date de la prise de Jérusalem !

Idée folle ? Trahison du texte ? Comment Tresmontant arrive-t-il à une telle conclusion ? Dans Enquête sur l’Apocalypse, notre théologien entreprend de confronter Histoire et Révélation. Armé des textes de Flavius Joseph et de Philon d’Alexandrie, il relate le destin de Jérusalem confrontée aux rois Herode et aux terribles César et sa rébellion suivie d’un siège mené par les Romains conduisant à sa mort. En réalité, démontre Tresmontant, l’Apocalypse raconte sous forme codée des événements contemporains parfaitement clairs pour les communautés chrétiennes d’alors. Sous forme codée parce que ces mêmes communautés sont persécutées par les Judéens (une tribu issue du peuple Hébreu et qui n’englobe pas la totalité des Hébreux) et les Romains.

Vous l’aurez compris, Tresmontant milite pour l’idée que l’Apocalypse n’a pas été écrite tardivement comme les spécialistes le prétendent mais plutôt vers 56 après Jésus Crist. Ce cheval de bataille, il l’a longuement expliqué dans Le Christ hébreu et développé constamment au cours de ses autres ouvrages. Ses arguments sont d’ailleurs probants ou en tout cas pertinents : à l’aide de nombreux exemples tirés des Evangiles, dont celui de Jean, il souligne qu’il y a des mystères, des événements peu clairs et que ces éléments tus (comme le nom de la personne dans la maison duquel Jésus et ses disciples prennent leur dernier repas) s’expliquent uniquement par le fait que les Evangiles ont été écrits très peu de temps après les événements pour la communauté chrétienne et qu’il fallait taire la vérité, de peur que Chrétiens tombent entre les mains de la police de César. A ce petit jeu là, Tresmontant se révèle très fort, même si, en réalité, ses arguments peuvent facilement être contestés. Ainsi, pour commencer, l’auteur n’explique jamais pourquoi les exégètes donnent une datation tardive des textes. Ensuite, il explique que si un nom est tu ou un lieu caché, c’est que la révélation de cet élément devait rester caché. Mais on pourrait aussi penser que la tradition orale a perdu l’information lors de la rédaction ou estimer l’information mineure pour les rédacteurs de l’époque. Tresmontant a donc tendance à vouloir trop rationaliser, expliquer, des faits sur lesquels il est impossible de se prononcer.

Il en va de même lorsqu’il s’intéresse à l’Histoire. Si ses références sont très utiles à la compréhension de l’Apocalypse, pourquoi l’auteur ne fait jamais appel aux historiens qui ont critiqué Philon et Flavius. Tresmontant écrit son livre comme si on pouvait accepter ces témoignages sans sourciller. Mais ce n’est pas de la sorte que l’on fonctionne lorsque l’on fait de l’Histoire : il s’agit d’interroger la source, de la confronter à d’autres, de tester sa fiabilité, etc. Là encore, Tresmontant croit que plus une source est vieille, plus elle serait fiable. Cela n’a rien de sûr !

Néanmoins, au-delà de ces critiques qu’on doit lui adresser, force est de reconnaître que le cœur de son analyse s’avère impressionnante. Ainsi, comment ne pas admettre avec lui que le Jean qui a écrit le quatrième Evangile et l’Apocalypse soit non pas Jean fils de Zébédée, mais Jean le grand prêtre du Temple ? Se basant là encore sur une antique source historique mentionnant ce fait, Tresmontant démontre en lisant les textes sacrés que Jean ne peut pas ne pas être une personnalité en vue et connue du Temple (sans cela, dans le quatrième Evangile, jamais il n’aurait pu donner des ordres à la servante du Temple après l’arrestation de Jésus). De même, on voit qu’il connaît parfaitement l’intérieur du Temple sacré car nombre d’éléments se retrouvent dans l’Apocalypse. Enfin, l’élément décisif tient sans doute au fait que, dans l’Evangile de Jean, Jésus fasse Paque un jour avant celui des Evangiles synoptiques. Un mystère explique avec brio par Tresmontant.

Confrontant l’Apocalypse aux Livres de Daniel et des Maccabées, notre théologien donne une interprétation intéressante du texte final de la Bible montrant que Jean annonce la prise et la destruction de Jérusalem alors qu’il écrit aux alentours de 56. Non, il ne s’agit pas de fin du Monde, nous dit-il, mais d’une espérance en cours de réalisation : la nouvelle Jérusalem est l’Eglise des Chrétiens et qu’elle a été annoncée dès le Livre d’Isaïe lorsque le prophète dénonce ses prostitutions pour ensuite louer le retour à sa virginité… Si on reste très impressionné de son analyse, on regrette toutefois que toute l’Apocalypse n’ait pas été analysée. Car que vient faire alors la lutte des Anges présente dans le texte ? Futur du Monde ou récit des Origines ? Et puis, les quatre cavaliers, ces fameux quatre cavaliers, pourquoi ne pas en parler ? Sans doute Tresmontant a-t-il traité de cela dans sa traduction complète de l’Apocalypse (toujours chez FX de Guibert) ?

En conclusion, que dire ? Ce livre, à la différence des précédents chroniqués sur ce blog, se révèle assez délicat à lire : le style - qui n’est pas le fort de l’auteur - se révèle lourd. La première partie, celle historique, s’avère extrêmement longue et les nombreuses citations tirées de Flavius et Philon ne sont pas toujours indispensables à la lecture. De plus, la méthode de l’auteur se révèle plusieurs fois discutable. Néanmoins, on reconnaîtra une grande qualité à cet ouvrages : il apaise. Finit les divagations sur la fin du Monde, le jugement dernier, la destruction de la Terre, j’en passe et des meilleures. La félicité promise n’est en fait pas à attendre dans l’au-delà, mais elle commence dès maintenant : l’Eglise représente la nouvelle Jérusalem, l’embryon de la nouvelle humanité à naître, celle qui verra l’alliance du charnel et du spirituel, de l’Homme et de Dieu. Il fallait que Tresmontant révèle ce qui devait être dit. A l’instar d’un René Girard, Claude Tresmontant empêche la peur ou l’angoisse de se propager et révèle les vérités cachées, magnifiques, derrière des mots choquants. On ne saurait donc trop recommander la lecture de cet ardu essai, pour ne plus craindre et commencer, dès maintenant, à espérer.

François-Xavier de Guibert, 28,97euros. Pour commander l’ouvrage (presque épuisé), contactez l’éditeur au 01 42 22 15 34 ou au 01 45 48 97 77

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Commentaires
M
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne possède pas cet ouvrage, mais vous pouvez vous renseigner sur la page Facebook consacré à l'auteur : http://www.facebook.com/groups/tresmontant/<br /> <br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Menon
Répondre
L
A l'attention de CLAUDE TRESMONTANT<br /> <br /> Bonjour ,<br /> <br /> J'ai lu "Les premiers éléments de théologie de Claude Tresmontant", il y a déjà longtemps .<br /> <br /> Je crois me souvenir que l'auteur expliquait pourquoi l'Eglise n'était pas restée à sa forme primitive du temps des apôtres.<br /> <br /> Je n'arrive pas à retrouver la page du livre où cela est expliqué .<br /> <br /> Pourriez-vous me donner les réferences ?<br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> Luc Elmlinger
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D
Menon et tous vos lecteurs :<br /> Bonjour, j'ai un lien direct qui va sûrement vous plaire. Le voici : www.egliseduchristquebec.com/pdf/apocalypse.pdf Si avez le temps, examinez toutes choses... 1 Thessaloniciens 5, 21.... Bonne journée à tous.
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