Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll

Lors de ma première lecture d’Alice au pays des merveilles (http://menon.canalblog.com/archives/2009/10/17/15409064.html), j’étais très marqué par le très fort soupçon de pédophilie planant sur l’auteur, souligné par Denis de Rougemont dans L’amour et l’occident. (Les photos prises par l’auteur de petites filles, et visibles sur Wikipédia n’avaient rien pour diminuer ce soupçon devenant progressivement une certitude.) Du coup, je pris une position particulièrement tranchée contre ce texte que j’assimilais à un délire luciférien.

Aujourd’hui, mon point de vue sur Alice a évolué. Bien que le caractère pédophile de Carroll reste des plus certains (à ma grande surprise, en lisant le livre de Vanessa Springora, Le consentement, je découvre que Gabriel Matzneff faisait savoir à sa « compagne » que mettre le texte d’un pédophile entre les mains d’enfant relevait de l’humour noir), si on met de côté ce que l’on sait de Lewis Carroll, on peut malgré tout apprécier son Alice.

Après tout, c’est le fameux non-sens anglais qui, ici, triomphe. Certains passages ne sont pas piqués des vers ; l’humour se révèle absurde et il m’est même arrivé de pouffer !

Il m’est impossible de savoir comment un enfant pourrait recevoir un tel texte. Qu’y verrait-il ? Notamment, il faut souligner que le style s’avère d’une grande complexité pour un jeune d’aujourd’hui, donc ce livre a peu de chance de les captiver. Au fond, peut-être qu’à l’instar du Petit prince, c’est plutôt les adultes qu’il vise ?

Toujours est-il que j’ai finalement pris du plaisir à la lecture de cet Alice. C’est un peu comme chez H. P. Lovecraft – si l’on le sait raciste, on comprend que ses descriptions monstrueuses cachent en fait un véritable délire racial. Mais si on découvre Lovecraft sans connaître sa biographie, on se divertit simplement à la lecture de textes fantastico-horrifiques qui n’invitent certainement pas à agresser son voisin. A méditer.

Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (Librio, 109 pages, 2 euros)