Un non-croyant va-t-il forcément en Enfer ?
Une de mes bonnes amies m'a, ce matin, envoyé un e-mail avec la question suivante : "Voilà: t'est-il arrivé de prier pour qu'un proche éprouve la foi?
Comment résous-tu le problème de la damnation des non-croyants? J'ai
posé la question à une amie musulmane, mais elle n'a pas su me répondre."
Tout d'abord, je pensais répondre en quelques lignes mais la question appelant une analyse rigoureuse, j'ai finalement travaillé sur un texte qui, je pense, peut en intéresser d'autres. Voilà donc une modeste tentative d'analyse :
Si on s'en tient aux Evangiles, celui qui n'aura pas reconnu Jésus ne connaitra pas la Vie éternelle. Il faut impérativement connaitre Dieu. Le catéchisme de l'Eglise catholique dit ceci :
IV. L’enfer
1033 Nous ne pouvons pas être unis à Dieu à moins de choisir librement de l’aimer. Mais nous ne pouvons pas aimer Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou contre nous-mêmes : " Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; or vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui " (1 Jn 3, 15). Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de Lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des petits qui sont ses frères (cf. Mt 25, 31-46). Mourir en péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c’est cet état d’auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot " enfer ".
1034 Jésus parle souvent de la " géhenne " du " feu qui ne s’éteint pas " (cf. Mt 5, 22. 29 ; 13, 42. 50 ; Mc 9, 43-48), réservé à ceux qui refusent jusqu’à la fin de leur vie de croire et de se convertir , et où peuvent être perdus à la fois l’âme et le corps (cf. Mt 10, 28). Jésus annonce en termes graves qu’il " enverra ses anges, qui ramasseront tous les fauteurs d’iniquité (...), et les jetteront dans la fournaise ardente " (Mt 13, 41-42), et qu’il prononcera la condamnation : " Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel ! " (Mt 25, 41).
1035 L’enseignement de l’Église affirme l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, " le feu éternel " (cf. DS 76 ; 409 ; 411 ; 801 ; 858 ; 1002 ; 1351 ; 1575 ; SPF 12). La peine principale de l’enfer consiste en la séparation éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été crée et auxquels il aspire.
1036 Les affirmations de la Sainte Écriture et les enseignements de l’Église au sujet de l’enfer sont un appel à la responsabilité avec laquelle l’homme doit user de sa liberté en vue de son destin éternel. Elles constituent en même temps un appel pressant à la conversion : " Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent " (Mt 7, 13-14) :
Ignorants du jour et de l’heure, il faut que, suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour mériter, quand s’achèvera le cours unique de notre vie terrestre, d’être admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu, au lieu d’être, comme de mauvais et paresseux serviteurs, écartés par l’ordre de Dieu vers le feu éternel, vers ces ténèbres du dehors où seront les pleurs et les grincements de dents (LG 48).
1037 Dieu ne prédestine personne à aller en enfer (cf. DS 397 ; 1567) ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusqu’à la fin. Dans la liturgie eucharistique et dans les prières quotidiennes de ses fidèles, l’Église implore la miséricorde de Dieu, qui veut " que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir " (2 P 3, 9) :
Voici l’offrande que nous présentons devant toi, nous, tes serviteurs, et ta famille entière : dans ta bienveillance, accepte-la. Assure toi-même la paix de notre vie, arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi tes élus (MR, Canon Romain 88).
Comme tu le vois, il y a une sorte de contradiction. D'un côté, il est dit que "1037 Dieu ne prédestine personne à aller en enfer (cf. DS 397 ; 1567) ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusqu’à la fin", mais en même temps, on souligne que "1034 Jésus parle souvent de la " géhenne " du " feu qui ne s’éteint pas " (cf. Mt 5, 22. 29 ; 13, 42. 50 ; Mc 9, 43-48), réservé à ceux qui refusent jusqu’à la fin de leur vie de croire et de se convertir , et où peuvent être perdus à la fois l’âme et le corps (cf. Mt 10, 28)." - Donc, à lire le texte, si je ne dis pas de bêtise, si tu ne crois pas, tu finiras en Enfer. Il existe effectivement une prière pour la conversion. Jusqu'à Vatican II, on priait par exemple pour le salut des Juifs car on estimait que leurs souffrances étaient causes de la mise à mort de Jésus. On prie d'une façon générale pour la conversion des fidèles.
COEUR DE MON PROPOS ; CE QU'IL FAUT RETENIR
Seulement voilà, lorsque Jésus parle de Feu de
la Géhenne, de quoi parle-t-il ? Jésus annonce qu'il est venu
baptiser par le Feu. On peut se demander en quoi un Dieu incarné
prêchant Amour et Compassion peut avoir à faire avec des
malédictions de mise à mort. On retrouve les même propos dans le
Coran. Or, le Coran lu par les Soufis (mystiques) est des plus
intéressants. La vision du Feu de l'Enfer est celui du Feu des
Alchimistes. Pour réaliser le Grand Oeuvre, la transformation de son
plomb intérieur en Or, il faut passer par le Feu. C'est à dire que
l'Epreuve sera initiatique et formatrice – ainsi, dans The heart of
the Qu'ran de Lex Hixon, ce dernier traduit tous les passages
relatifs à l'Enfer en signalant que nous passerons par l'Enfer afin
d'y être brûlés de nos scories. Nous resterons plus ou moins
longtemps dans les flammes et la douleur sera plus ou moins
importante en fonction de notre vie. Il rejoint en cela la pensée de
Rûmi, le plus grand mystique musulman. Pour le Soufi, l'Enfer n'est
pas une fin en soi mais un passage. En cela, il se rapproche du
Purgatoire des Catholiques.
Donc, à bien suivre les choses, on
peut proposer deux lectures, comme toujours. La première exotérique,
s'attache à la lettre : si tu ne crois pas en Dieu et en Jésus qui
a annoncé qu'il était le seul chemin du Salut, tu souffriras dans
les flammes de l'Enfer. Si tu t'intéresses au sens ésotérique,
soit au souffle ou à l'esprit, tu liras que tu devras abandonner tes
pêchés et tes attaches du monde matériel à travers les Flammes.
Comme le vrai Chrétien est celui qui est mort au monde (voir Saint
Paul sur le sujet), tu triompheras normalement plus facilement de
l'ordalie par les Flammes que le mécréant qui lui, se prendra le
souffle divin de plein pied.
Oui, précisons bien une chose qui n'a rie d'évident : Satan N'EST PAS un contre-Dieu. Il n'y a rien qui puisse se comparer à Lui. Satan est un Ange et pas un Dieu du mal. Satan est, selon Jésus, le « Prince de ce monde ». Mais il fait aussi parti du Conseil Angélique. Lire à ce propos le prologue de Job : « [6] Or, les fils de Dieu [Ce sont les Anges !] vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux. [7] L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener [D'où l'affirmation de Jésus que Satan est le « Prince de ce monde » ; à rapprocher des imprécations de St Paul : « Col 1,15-20 : Jésus est l'image du Dieu invisible, né avant toute créature ; car c'est en lui que toutes choses ont été créées, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles, Trônes, Dominations, Principautés, Puissances ; tout a été créé par lui et pour lui. Il est, lui, avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. Il est la tête du corps de l'Eglise, lui qui est le principe, le premier-né d'entre les morts, afin qu'en toutes choses, il tienne, lui, la première place. Car Dieu a voulu que toute la plénitude habitât en lui ; et il a voulu réconcilier par lui toutes choses avec lui-même, celles qui sont sur la terre, et celles qui sont dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. »] . [8] L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal. [9] Et Satan répondit à l'Éternel: Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu? [10] Ne l'as-tu pas protégé, lui, sa maison, et tout ce qui est à lui? Tu as béni l'œuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays. [11] Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartient, et je suis sûr qu'il te maudit en face. [12] L'Éternel dit à Satan: Voici, tout ce qui lui appartient, je te le livre; seulement, ne porte pas la main sur lui. Et Satan se retira de devant la face de l'Éternel. » - De fait, Satan ne domine pas les Enfers. Il ne dicte pas à Dieu ce qu'il doit faire. En terme métaphysique hindou, Dieu = Atma, le Principe créateur de Vie (1 In principio creavit Deus caelum et terram.) et le Dieu personnel du Juif, du Chrétien ou du Musulman s'appelle Maya = le rayonnement de Atma et donc l'illusion du Vrai mais pas le Vrai. Dis plus clairement, Satan fait partie de Dieu. Le mal et le bien sont confondus. Dieu n'est pas « un contre un » mais le Tout en un et le Un en tout comme dirait Lovecraft.
« La lettre tue, l'esprit vivifie », disait St Paul pour parler de l'intelligence qui doit animer celui lisant les Ecritures. Les propos tenus dans le Catéchisme, cet espèce de flou, dénote l'intelligence et le courage de l'Eglise qui reconnaît une contradiction entre l'Amour immodéré du Christ et la réalité du texte. A nous de nous faire notre propre opinion.