L'étrange cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde et autres récits fantastiques de Robert-Louis Stevenson

Avant Sigmund Freud, Robert Louis Stevenson imagina L’étrange cas du docteur Jekyll et Mister Hyde, un fabuleux court roman mettant en lumière l’inconscient humain, notre part d’ombre inaliénable… Le texte de Stevenson a une force qui reste aujourd’hui totale : par son traitement onirique, la construction remarquable de l’histoire, le mystère jamais dévoilé au cours du livre mais ne cessant de tarauder le lecteur, ce livre est en passe de devenir un mythe : Hyde a vécu au cinéma de nombreuses aventures et sans cesse, le roman de Stevenson a été réinterprété, analysé, réécrit et recraché : il fait désormais parti de l’inconscient collectif.

C’est dans une édition remarquable publiée par le Livre de Poche que Jean-Pierre Naugrette, spécialiste de Stevenson et lui-même romancier (il a publié un roman inspiré de L’étrange cas aux éditions Actes Sud, Le crime étrange de Mr Hyde) introduit ce texte fameux et les autres nouvelles accompagnant le recueil. Ses passionnants commentaires situés en préface sont plutôt à lire après s’être délecté du texte : ils permettront de réévaluer sa propre lecture. En effet, Naugrette souligne à quel point le récit nous étant rapporté du point de vue des personnages, il convient parfois de prendre du recul par rapport à leurs propos, leurs visions ayant tendance à déformer les faits. Ainsi en va-t-il de l’impression partagée par tous d’un Hyde violent et cruel, en début de livre, alors que cette impression est due aux cauchemars de monsieur Utterson. Après avoir appris que ce dernier avait bousculé une fillette, il cauchemarde un Hyde martyrisant des enfants : simple rêve ou projection de fantasmes personnels ? Ceci constitue un exemple. On pourrait aussi citer les commentaires sur le style de l’auteur ou encore sa réflexion sur les sous entendus sexuels de l’histoire. Ses notes de bas de page (dieu merci ! pas besoin de faire l’aller-retour avec la fin du livre) sont elles aussi utiles car certaines expressions de Stevenson nécessitent des explications.

Mais il ne faudrait pas pour autant oublier le reste des nouvelles du recueil : Le voleur de cadavres déçoit beaucoup avec une histoire de cadavres disséqués par des étudiants en médecine. Difficile de comprendre la chute, saugrenue et incohérente avec le récit… Les gais lurons m’a personnellement ennuyé et je n’ai pas réussi à aller jusqu’au bout de cette histoire de trésor repêché au fond des mers… Enfin, on trouve Olalla, récit que j’avais lu très jeune, persuadé, à cause d’un livre ou un magazine (je ne sais plus au juste), qu’il s’agissait d’une histoire de loup-garou – ce qui est totalement faux. Toutefois, il s’agit d’une excellente histoire, écrite avec une intelligence, une élégance et une sensualité que n’ont pas les deux précédents textes. Stevenson met en scène un soldat en convalescence chez une famille noble espagnole déchue frappée de débilité. Le héros se familiarise tout d’abord avec l’idiot de fils, avant de faire connaissance avec sa mère, ô combien étrange et féline. Puis vient la rencontre avec Olalla, belle et magnifique et intelligente. Mais bien sûr, la famille cache un terrible secret.

Si vous n’avez jamais lu l’histoire du docteur Jekyll, n’hésitez pas ! Et même si vous la connaissez déjà, sachez que le plaisir reste intact à la lecture car la résolution de l’intrigue n’est pas restée dans les mémoires et vous intéressera sans doute... Pour les nouvelles suivantes, on regrette leur manque d’intensité au regard de L’étrange cas. Néanmoins, elles pourront intéresser un autre public et, il me semble malgré tout qu’Olalla mérite particulièrement l’intérêt du lecteur.

Le Livre de Poche, 4 euros.

Comments

[elangel1406]

bonjour !

Vous avez l'air de bien connaître le sujet !
je voudrais savoir si vous pourriez me renseigner sur l'altérité entre le Docteur Jekyll et M. Utterson !
merci beaucoup

elangel1406

[Menon]

A ton service, Lou ! ^__^

[Lou]

Tu connais mon avis sur ce livre, mais c'est un plaisir que de lire cette critique vraiment très intéressante (bien plus que la mienne à mon avis). J'ai beaucoup apprécié tes allusions aux analyses présentes dans l'édition que tu avais et je note le titre dont tu parles avec beaucoup de curiosité. J'essaierai de trouver Olalla, dont tu as également parlé sur mon blog. Merci en tout cas d'avoir glissé un lien vers cette note !