Ce livre, contrairement à ce que
son titre laisse à croire, n’est pas seulement une biographique du Prince
Victor Napoléon (1862 – 1926), mais aussi une thanatographie du
bonapartisme. Qu’on me pardonne ce néologisme, mais le consacrer pour ce livre
n’a rien d’exagéré lorsque l’on a lu l’ouvrage de Laetitia de Witt. Cette
descendante de la famille même de Victor a en effet recueilli une documentation
solide, parfois inédite – archives familiales – pour tracer le portrait de son
ancêtre et la chute finale du Bonapartisme.
Laetitia de Witt l’exprime
parfaitement au cours de son ouvrage : le Bonapartisme, consiste en la
rencontre d’un homme et du peuple français. Napoléon Ier aura joué le rôle de
sauveur de la nation (« Le mythe du sauveur » - Jean Tulard) :
il n’a jamais définis précisément une doctrine bonapartiste. De Witt remarque,
avec intelligence, que le Napoléonisme aura été une praxis et non pas une
théorie. Lorsque Napoléon III prend le pouvoir, il le fait en ayant intellectualisé
le Bonapartisme, en lui ayant donné un fondement théorique spécieux et inexact,
mais en accord avec l’air du temps. Mais même là, il y aura eu rencontre entre
un héros et le peuple : le référendum faisant office d’ampoule de la
Sainte huile pour l’empereur.
Mais lorsque Napoléon III meurt,
suivi de son fils, catastrophe ! Le Bonapartisme aurait pourtant pu s’en
relever : mais le maître bâtit une école et les disciples s’arrachent la
tunique sans couture. De fait, les rivalités pour le titre d’héritier entre
Jérôme, cousin de Napoléon III (dit Plon-Plon), et son fils Victor, feront de
l’héritage des Bonaparte une méchante plaisanterie dont on finit par
s’esclaffer. Il faut les voir se disputer un nom et un héritage, persuadés
qu’ils sont de le mériter ! Jérôme avait tout de même des raisons de
revendiquer l’héritage. Son fils Victor ne cherchait que l’opposition au père.
Pourtant, ce fut lui qui prit le domaine réservé. Le voilà futur prétendant au
trône sans aucun charisme ni programme politique !
Malgré cela, la république
tremble en attendant la prise de pouvoir : l’exil de Victor voulu et
imposé par la république française sera sa géniale idée pour tuer dans l’œuf
l’espoir d’un troisième empire. Ensuite, tout est perdu : le bonapartisme
ne sera plus qu’un parti comme un autre, téléguidé depuis Bruxelles par un
Victor sans envergure et désir de pouvoir. Et on verra les petits députés prêts
à s’écharper pour une place, les rivalités de salon et les phrases assassines.
Toute ressemblance avec un parti politique actuel n’étant pas du tout fortuit.
Victor finira sa vie comme
gardien du temple à défaut d’en être le prêtre. Il favorisera le culte de
Napoléon Ier qui trouvera là sa dernière victoire, à moins qu’on ne l’attribue
à Victor : faire du glorieux boucher un monarque romantique et magnifique.
Si la fin de l’aventure laissera sans doute comme un parfum de regret que l’on
humera avec soulagement ou nostalgie, c’est selon, le livre de Laetitia de Witt
n’en reste pas moins d’un grand intérêt. L’outil indispensable pour comprendre
à la fin du Bonapartisme.
Fayard, 28 euros.