L’Antéforme de Mehdi Belhaj Kacem

C’est à cause d’une vive maladie des bronches que Mehdi Belhaj Kacem a été amené à écrire ce livre. Son sujet est le corps et sa phénoménologie. Il s’agit de penser le corps au-delà de l’impensé – son acte d’existence semble tellement évident qu’on ne s’intéresse jamais à lui. Mais une telle évidence peut-elle être discutée ? C’est tout l’enjeu de L’Antéforme. Ainsi, si un corps peut être assimilé à un dispositif humain, qu’est-ce que cela implique comme mise à l’épreuve de la machinerie souterraine que sont les organes ? Une maladie concerne-t-elle le corps comme tel ou seulement un aspect de celui-ci ? Si je fais l’amour, suis-je un corps qui jouit ou bien y a-t-il deux corps qui communiquent ? Dans ce cas, selon quelles modalités ? Je dois avouer être mal à l’aise pour écrire cette chronique. Cela fait environ un mois que j’ai lu ce « roman » et il est d’une telle complexité que j’aurais dû noter les idées qui me sont venues à l’époque de sa lecture. Faute de l’avoir fait, je tâtonne. A dire vrai, à moins d’être un intellectuel amateur d’abstractions philosophiques pures, il est pratiquement impossible de comprendre ce livre. Encore que… sans doute exagère-je. M’est avis qu’il est possible de le comprendre mais à condition de ne lire qu’une poignée de pages par jour car il implique une concentration maximum. L’Antéforme invite à une expérience de lecture qui dépasse en complexité tout ce que la littérature s’était jusque-là fixée comme plafond – à voir si vous pourrez le briser et si des phrases dont la ponctuation se résume à des points virgules et des tirets (oui, il n’y a donc pas de point) vous conviendront.

L’Antéforme de Mehdi Belhaj Kacem (Tristram, 372 pages, 21,65 euros)