Rendez vous - la psychanalyse de François Mitterrand et Le monde d'Ali d'Ali Magoudi
Difficile, voire impossible, de résumer ce livre. Du reste, cela aurait-il un intérêt ? A quoi bon révéler les secrets de Rendez-vous – la psychanalyse de François Mitterrand alors qu’ils font le sel de ce roman analytique passionnant ? Ali Magoudi n’a en fait jamais fait s’allonger Tonton sur un divan mais il l’a interviewé un très grand nombre de fois et a pu compulser nombre de documents mettant en scène le président. A partir de cette masse de documents, il a su atteindre le mystère de la psyché de Mitterrand et en tirer une interprétation qui, a défaut d’être de son crue et on de Mitterrand lui-même, n’en reste pas moins passionnante.
Outre l’aspect croustillant de l’affaire, ce livre permet de voir comment se déroule sur un divan une analyse : bien sûr, celle de notre bon roué Françoué n’a pas vraiment eu lieu mais on sent l’analyste qui reprend des éléments vécus pour donner de la couleur à cette analyse imaginaire : il n’a, du reste, pas toujours le beau rôle et on voit bien que c’est le patient qui doit sortir du fond de lui sa part de vérité et pas l’analyste qui, par un coup de baguette magique, la ferait rejaillir à la surface.
On pourra rapprocher cet ouvrage de l’excellent Le monde d’Ali – comment faire une psychanalyse quand on est polonais, chirurgien, arabe, élevé dans le sentier… (!) : l’auteur de la Psychanalyse de Mitterrand nous livre une charmante et courte autobiographie de son passage sur le divan de Pierre Legendre, analyste lacanien.
Magoudi reste relativement général sur les événements survenus durant sa cure et les révélations qui lui ont été apportées : il faut dire que son cadre familial a été difficile, sans être morbide ou dramatique, et qu’il semble avoir conçu des phantasmes plutôt violents. Mais qu’importe : car Ali a cette franchise rassurante, celle consistant à dire tout simplement ce qu’il a connu, les bons comme les mauvais côtés, sans la moindre utilisation de jargon analytique et là encore, ne se donnant pas le beau rôle, voire même doutant de ses propres interprétations.
D’ailleurs, histoire de faire mon malin, j’aimerais pointer une belle erreur d’écriture dans son livre. L’analyse d’Ali a été traversée par des questions complexes liées à sa filiation, son rapport à ses parents. Et voilà ce qu’il écrit page 147 : « J’aurais dû évoluer dans une fratrie de quatre. A l’âge d’un an, j’attendais un petit. A terme, ma mère est partie le mettre au monde. Mon père, incapable de faire face à trois marmots en bas âge, nous déposa quelques jours, ma sœur, mon frère et moi, au centre d’accueil Saint-Vincent-de-Paul, sis à Denfert-Rochereau. » Je surligne en gras à dessein. Il me semble qu’Ali Magoudi voulu écrire « A l’âge d’un an, j’attendais un petit frère ». Mais l’oubli de ce mot jette une tournure étrange sur son texte. Oubli de l’éditeur à ce niveau, ou de lui-même ? Mais de voir, à la phrase suivante affirmer que son père ne savait « faire face à trois marmots en bas âge » donne l’impression qu’il a voulu prendre la place de son géniteur et qu’il se ressent encore aujourd’hui comme le père de cet enfant qui est mort né.
En tout cas, Le monde d’Ali est un livre qui se dévore. Très réussi à tous les niveaux, on le souhaiterait plus long tellement l’auteur se révèle attendrissant et charmant.
Rendez-vous – la psychanalyse de François Mitterrand, Maren Sell Editeurs, 19 euros.
Le monde d’Ali – comment faire une psychanalyse quand on est polonais, chirurgien, arabe, élevé dans le sentier…, Albin Michel, 14 euros.