Le grand retournement d’Annick de Souzenelle

Annick de Souzenelle nous est précieuse – à 97 ans, elle publie un nouvel ouvrage remarquable de clarté et d’intelligence. On se demande comment une dame presque centenaire peut ainsi conserver un esprit aussi précis et puissant dans la lecture de la Bible.

S’il y a bien des chapitres de l’Ancien Testament que l’on aime à sauter, ce sont les longues listes généalogiques. Prenez celles d’Adam et de Caïn au chapitre 5 de la Genèse :

5.1
Voici le livre de la postérité d'Adam. Lorsque Dieu créa l'homme, il le fit à la ressemblance de Dieu.

5.2
Il créa l'homme et la femme, il les bénit, et il les appela du nom d'homme, lorsqu'ils furent créés.

5.3
Adam, âgé de cent trente ans, engendra un fils à sa ressemblance, selon son image, et il lui donna le nom de Seth.

5.4
Les jours d'Adam, après la naissance de Seth, furent de huit cents ans; et il engendra des fils et des filles.

5.5
Tous les jours qu'Adam vécut furent de neuf cent trente ans; puis il mourut.

5.6
Seth, âgé de cent cinq ans, engendra Énosch.

Etc.

Soporifique, n’est-ce pas ?
Eh bien, au contraire ! C’est justement à cette généalogie (et aussi à Noé) que de Souzenelle va s’intéresser. Et le résultat s’avère passionnant car si le lecteur français ne peut saisir les subtilités hébraïques, de Souzenelle, formée à la Kabbale, dévoile les sens cachés des noms des patriarches. Non seulement ces listes ne sont pas anecdotiques mais, de plus, elles racontent notre propre ontogenèse.

Car le grand retournement, c’est celui du fœtus qui, à l’intérieur de la matrice de la mère, se retourne au 7^e mois. Ce retournement est « pensé » dans la Bible via la généalogie d’Adam. Après le bannissement du premier des Hommes et de sa compagne, deux enfants naissant : Abel et Caïn et, à travers le meurtre du pasteur et la descendance de Caïn puis d’Adam se joue notre propre destinée. Nous sommes appelés à faire retour dans notre être intérieur pour reconnaître et pardonner à nos démons et enfin pour ressusciter ivres du Un comme le fit Noé.

(Très accessible et passionnant, ce Grand retournement pourra être complété par deux autres lectures des généalogies adamiques – Le mystère du Yéti à la lumière de la tradition biblique d’Attilio Mordini paru chez Pardès (non, il ne s’agit pas d’un canular ni d’un pamphlet écrit par un doux dingue mais d’une authentique exégèse catholique) et Abraham de Raphaël Draï paru chez Fayard (l’ouvrage traite en effet de l’histoire de Noé et de ses fils dont de Souzenelle parle aussi dans Le grand retournement).)

Le grand retournement d’Annick de Souzenelle (Le Relié, 192 pages, 16 euros)