Molloy de Samuel Beckett
Molloy est une œuvre hallucinée. Deux récits s’y accouplent : tout d’abord celui de Molloy, un handicapé qui, accompagné de ses béquilles et de son vélo, tente de retrouver la maison maternelle. Dans un deuxième temps, celui de Morvan, un détective envoyé sur les traces de Molloy et qui s’y rendra en compagnie de son fils. Molloy est un estropié et peut-être aussi un fou. Lire son récit, le suivre dans ses pérégrinations, laisse un goût étrange et inquiétant : nous voilà confrontés à un homme pour lequel ses tribulations véhiculent à chaque page une dose supplémentaire de folie.
Changement complet de style lorsque Morvan entre en scène. Retour du rationnel. Ecriture propre et mesurée. Mais comme c’est étrange, lorsque ce nouveau héros part sur les traces de Molloy (et pourquoi emmène-t-il son fils ?), il commence drôlement à lui ressembler. Disons plutôt que soudainement, son genou le fait atrocement souffrir et soudainement lui aussi devient handicapé. Le style, alors, évoque de nouveau celui des confessions de Molloy.
Fasciné par la chute, la fin de l’existence, ce moment où le corps lâche, où la décrépitude s’empare d’un être, Beckett se fait contemplateur de la fin, des prémisses de la mort, mais sans pour autant porter un regard complaisant sur le sujet ; car il s’agit de lutter, de se relever et de continuer d’avancer, envers et contre tout.
Molloy de Samuel Beckett (Les Editions de Minuit, 276 pages, 8,50 euros)