Ebauches de vertige d’Emile Cioran

Extraits d’Ecartèlements, ces pages donnent à lire parmi ce qu’Emile Cioran aura écrit de meilleur. De son désespoir ontologique, Cioran fait jaillir des propos cruels sur la petitesse de l’Homme et sur le fait que tout un chacun devrait songer à la souffrance et à la mort, seule à même de pouvoir trancher les liens qui, justement, tiennent enserré l’Homme à ce poison – insomnie, maladie, folie, etc.

Pour autant, Cioran n’a rien d’un philosophe croque-mort. D’une part à cause de la pureté de son style qui le rapproche de l’esthétique littéraire des moralistes du XVIIème siècle, mais aussi parce qu’il sait faire preuve d’une ironie certes cruelle mais qui douche ce que ses propos pourraient avoir de violence à l’égard de son lecteur. Jamais Cioran n’affirme qu’il doit mourir. Il se contente de le renvoyer à un tableau des misères humaines.

Par ailleurs, Cioran le dit : s’il fait la promotion du suicide par l’écrit, il le déconseille à ceux qui l’interrogent. Dans le premier cas, Cioran appelle au suicide pour lui-même et ses incantations sont autant de jaculations crâneuses qui lui évitent, paradoxalement, un passage à l’acte. Dans le second cas, Cioran reste prudent : se suicider, pourquoi pas ; mais de là à prendre sur soi la mort d’un autre.

Pour faire la connaissance de ce penseur roumain atypique qui deviendra le plus français des nihilistes, ce petit recueil apportera de beaux moments de lecture.

Ebauches de vertige d’Emile Cioran (Gallimard, 128 pages, 3,50 euros)