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29 juillet 2019

Freud en Italie – psychanalyse du voyage d’Antonietta Haddad & Gérard Haddad

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Assurément, voilà un ouvrage passionnant et qui ravira ceux qui aiment voir Freud psychanalysé, un sport dont les analystes sont friands.

Antonietta Haddad & Gérard Haddad s’interrogent sur la phobie qui empêcha, pendant de longues années, Freud de voyager en Italie. Sur le fait qu’il réussit à partir alors même qu’il souffrait d’une phobie des trains ; sur sa fascination, sur place, pour le Moïse de Michel-Ange sur lequel il publia un article anonyme ; sur le fait qu’à son retour en Italie il annonce à Fliess sa volonté d’abandonner sa théorie de la séduction par le père pour donner naissance au concept d’Œdipe, etc.

Pour Antonietta & Gérard Haddad, la psychanalyse n’aurait jamais pu voir le jour sans l’Italie. Freud ne s’y serait pas rendu pas par hasard. La ville éternelle est le fruit d’une intense fascination et les récits des voyageurs célèbres pullulent. Mais alors, pourquoi cette ville ? Qu’y trouve-t-on dans le destin de Freud ?

Aux différentes pulsions que Freud énuméra, Antonietta & Gérard Haddad en rajoutent une : celle de la marche ou voyage : ils analysent la pulsion du voyage et expriment l’idée que la marche sur le sol consiste à fouler le corps nu de la mère ; ils se souviennent que Freud a eu le souvenir de son désir pour sa mère dénudée dans un train, d’où sa probable phobie des trains dont le signifiant phallique apparaît évident, le train faisant métonymie du signifiant paternel. Analysant Freud, et partant du prénom de sa mère, Antonietta & Gérard Haddad découvrent qu’Amalia et Amor Italia assonent d’une manière troublent.
Enfin, ils prennent très au sérieux la judéité de Freud, fils d’un peuple qui n’inventa aucun art et dont le corps resta, dans l’inconscient collectif morcelé, jusqu’au jour où l’explosion artistique du Bauhaus entraîna Israël et les artistes juifs dans une véritable aventure artistique. C’est par l’art, et uniquement par l’art, que la prise en compte de la totalité du corps comme entité psychosomatique fut rendue possible.

Certes, Freud en Italie n’est pas exempt de défauts : à la manière des scolastiques, Antonietta & Gérard Haddad partent de la conclusion pour en remonter aux prémisses. La théorie freudienne étant vraie, le complexe d’Œdipe étant indépassable, seule une lecture œdipienne de la fascination de Freud pour l’Italie s’avère possible et, c’est bien connu, on trouve toujours ce que l’on cherche ! En usant de la mère de Freud, des trains, du père, de la marche et de l’art comme autant de viatiques, rien de plus simple que d’aboutir à un édifice théorique parfaitement ajusté et crédible qui semble couler de source au point où on se demande comment on aura pu ne pas s’apercevoir de tout cela avant les époux Haddad.

Que la légère pointe ironique du précédent paragraphe n’aille pas faire accroire que votre serviteur Ménon remet en doute la qualité et le sérieux du travail d’Antonietta & Gérard Haddad. Il me semble, à dire vrai, que Freud en Italie s’avère à ce point parfait dans sa construction et sa réflexion qu’on ne peut que vouloir lui faire quelques reproches tant le travail des deux époux, dans son excellence, paraît par trop parfait.

Assurément, ce petit livre (mais grand par sa richesse !) apportera un éclairage passionnant à tout passionné de psychanalyse et à tous ceux fascinés par l’aventure freudienne. D’une façon générale, les écrits de Gérard Haddad (celui-ci étant le seul qu’il coécrit avec sa femme) s’avèrent remarquable par leur intelligence, leur accessibilité et la qualité de leur écriture. Une fois de plus, Freud en Italie confirme notre appréciation.

 

Freud en Italie – psychanalyse du voyage d’Antonietta Haddad & Gérard Haddad (Albin Michel, 224 pages, 20,15 euros)

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