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23 février 2015

Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie : Autour des séminaires inédits de 1933-1935 d’Emmanuel Faye

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Martin Heidegger, on le sait, s’est clairement compromis en devenant membre du parti nazi de 1933 à 1944. Mais ses thuriféraires avaient beau jeu d’expliquer que si l’implication politique du « plus grand philosophe du XXe siècle » était hélas avérée, sa pensée restait vierge de tout lien avec les idées d’Hitler. Sans compter que ses cours furent même l’occasion pour lui de faire acte de résistance philosophique. Et tout ceci, bien sûr, sans même évoquer ses nombreux étudiants juifs (Levinas, Arendt, etc.) qui lui vouèrent une éternelle reconnaissance pour les avoir introduit au délicat travail de la pensée.

Mais Emmanuel Faye, à travers un essai hélas lourd, remet en question cette vision des choses. Ayant eu accès aux séminaires inédits de 1933 à 1935, Faye démontre – citations à l’appui – qu’Heidegger était totalement compromis. Qu’il mit sa pensée au service de l’Hitlérisme et, pis, que ses concepts majeurs (Etre, Etant, etc.) furent en réalité pensés à cette période pour donner au nazisme une base « philosophique ».

Hélas, malgré le réel intérêt du propos et le très sérieux travail accompli par Faye, on ne peut se départir d’une sensation de malaise à la lecture de ce qui ressemble à un règlement de compte. Faye semble vouer une haine solide à Heidegger et être prêt à tout pour l’enfoncer quitte, parfois, à extrapoler de citations qui nous semblent bien innocentes des interprétations forcées.

Par ailleurs, comment ne pas sourire lorsqu’on lit sous la plume de Faye que la lecture d’Heidegger, sans appareil critique et sans information historique, pourrait conduire certain dans les bras du néo-nazisme ou du négationnisme. A ce stade, on se demande si Faye garde encore un minimum de recul. Heidegger est réservé à une élite philosophique et ce n’est certainement pas un auteur que pratique l’extrême droite. Et la simple idée d’un étudiant en philosophant devenant un adorateur d’Hitler après avoir lu Heidegger parit bien difficile à croire… Enfin, on se demande pourquoi il y aurait urgence à régler son compte à Heidegger alors que des philosophes nettement plus compromis que lui (Sartre pour ne pas le nommer) restent protégés de pratiquement toute critique, et que – du reste – les néo-nazis et négationnistes se réclament plus de la philosophie de Marx que de celle d’Heidegger. Bref : malgré tout ce qui cloche dans les propos et les idées de Faye, n’en reste pas moins que son essai mérite d’être lu par tout ceux que la philosophe d’Heidegger attire.

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