« Libé » - L’œuvre impossible de Sartre de Bernard Lallement

Aujourd’hui, bien peu de citoyens lisent Libération. Il n’en reste pas moins un des grands quotidiens français. S’il est parfaitement intégré au paysage médiatique français, on oublie trop rapidement que son histoire est sans doute unique dans l’histoire de la presse française contemporaine. Lancé en 1973 par de jeunes maoïstes, Libération est un journal de huit pages proposé sans aucune publicité, financé par ses lecteurs, et « dirigé » par le grand romancier et philosophe Jean-Paul Sartre. C’est justement sur les liens étranges entre Sartre et Libération que Bernard Lallement, co-fondateur de la revue et qui en assuma la direction financière, revient. Son propos est en fait double : raconter les galères financières de Libération et comment Sartre, qui prétendait intégrer ce quotidien dans son œuvre n’a – contrairement à ce que la légende laisse croire – jamais participé à ce journal pour lequel il servait de prête-nom. Si le livre de Lallement souffre d’une absence de plan parfois agaçant, l’essayiste sait parfaitement comment nous faire plonger dans les coulisses de Libération. Il nous décrit la pathétique histoire de ce tabloïd dont la pérennité relève du miracle lorsque l’on découvre quelle bande de pieds nickelés y écrivaient. Il fait part de ses propres tourments, Libération étant sans cesse à découvert et il explique pourquoi, selon-lui, Sartre ne s’est jamais réellement intéressé au journal. Un essai qui se dévore.