Qu’appelle-t-on penser ? de Martin Heidegger

« Le présent ouvrage contient, sans qu’on y ait apporté de changement, le texte des deux cours, d’une heure hebdomadaire chacun, qui ont été tenus sous le même titre à l’Université de Fribourg-en-Brisgau le semestre d’hiver 1951-1952 et le semestre d’été 1952 », explique M. Heidegger en tête de son ouvrage.

« Le désert croit » - Nietzsche. Cette citation du penseur allemand permet à Heidegger d’évaluer la situation de l’Homme aujourd’hui : nous sommes en danger ; quelque-chose s’est brisé lorsque nous sommes entrés dans la modernité. Ce qui s’est brisé s’est perdu, comme un morceau de Terre qui se serait éloigné de la notre. Ainsi, nous avons compensé la perte de l’Etre par le règne de la Technique. En somme, cela revient à dire que nous avons remplacé l’être par l’avoir. L’Homme est en danger – en danger d’oublier la tâche qui est la sienne : dévoiler l’Etre. Ce que l’on appelle penser, c’est justement se remettre à l’écoute de la pensée grecque, via le langage poétique, le seul qui ne soit pas arraisonné à la Technique et donc libre de cheminer vers l’Origine.

Le problème de cet ouvrage tient à ce qu’il culmine dans des propositions à ce point absconses qu’il faut se montrer particulièrement courageux et patient pour en venir à bout. Le résumé que j’en tire, du reste, j’aurais très bien pu l’écrire sans même avoir lu le livre. Pour peu que l’on ait reçu quelque initiation, on peut parler de la philosophie de M. Heidegger. Mais de fait, on comprend mieux ce qu’en disent ses glosateurs que ce que l’auteur lui-même laisse à comprendre. On a parfois l’impression qu’à l’instar d’un Jacques Lacan, Heidegger fait tout pour demeurer illisible. A quoi bon le lire dans ce cas ? Des commentaires de l’œuvre, comme chez Lacan, ne sont-ils pas mieux à même de nous permettre d’avancer dans sa pensée ?