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Le blog de Menon
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24 octobre 2009

Le Nouveau Testament est-il fiable ?

Vulgate

Je fais ici un copier/collé d'un excellent commentaire sur la fiabilité du Nouveau Testament par Le Bon Seb.

Voilà de quoi méditer sur les réflexes habituelles de la communauté des historiens qui tend à décrédibiliser tout texte sacré :

"La difficulté vient de ce que les gens disent "c'est une source chrétienne, non neutre, donc non fiable".

Or premièrement "non neutre = non fiable" relève plus de la pétition de principe que de l'honnêteté intellectuelle. Un exemple : quand Marine Le Pen dénonce les perversions de l'actuel ministre de la culture c'est non neutre (elle pense déjà aux prochaines élections, pour dire les choses gentiment...). Est-ce à dire pour autant que Frédéric Mitterrand est irréprochable ? Non.

Ensuite deuxième erreur : "c'est une source chrétienne". Dire ceci c'est faire une lecture rétrospective de l'histoire ! Il ne faut pas transposer ce qu'on connaît du christianisme aujourd'hui sur ce que vivaient les disciples de "la voie", comme ils se désignaient eux-mêmes, et qui se pensaient plus comme juifs que comme "chrétiens" au sens moderne du terme. Le Nouveau Testament est tout sauf un phénomène concerté d'un groupe institutionnalisé. St Paul quand il écrit n'a pas le sentiment de produire un texte inspiré. Ses lettres sont des écrits de circonstance. Pour lui l'urgence est d'annoncer la bonne nouvelle du Christ ressuscité en vue de son retour qui est imminent. À cette époque se forment des communautés encore relativement indépendantes par rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui car l'urgence n'est pas de créer une structure institutionnelle mais d'annoncer la résurrection du Christ et l'imminence de la fin des temps, et en vue de cela se posait la question de savoir comment être fidèle au Christ. Et le nouveau testament témoigne des querelles théologiques et pastorales entre ces communautés. Donc techniquement les écrits du nouveau testament sont considérés comme des sources indépendantes par les historiens sérieux. Or lorsqu'un même évènement est attesté par des sources indépendantes il y a de fortes chances pour que ça se soit passé.

Après avoir démonté les pseudo arguments contre la fiabilité du nouveau testament intéressons-nous à en démontrer positivement la fiabilité. Il y a parmi les critères de fiabilité celui d'attestation multiple. Ce critère est vérifié pour le nouveau testament puisqu'il compte des auteurs divers et autonomes : un Saint Paul n'est pas un Saint Jacques ! Matthieu et Luc ne sont pas du même milieu ! Ce que toutes ces sources rapportent de commun a donc des chances d'être fiable.

Un autre critère est celui de la date. Les lettres de Saint Paul datent, pour les plus primitives, d'à peine 20 ans après la mort du Christ. Les quatre évangiles sont attestés dès 150, ce qui veut dire que leur rédaction fut faite du temps où ceux qui avaient connu le Christ et les apôtres de leur vivant étaient encore là pour en témoigner. Et au passage pour en rester sur la question des dates la très large réception qui a été faite de ces textes par des gens qui ont été contemporains des apôtres voire du Christ témoigne de sa fiabilité.

Un troisième critère est celui de "l'embarras" : les évangélistes par exemple n'avaient aucun intérêt à rapporter le baptême de Jésus par Jean. En effet en ce temps-là les disciples de Jean Baptiste étaient encore nombreux et ne manquaient pas de rappeler : "c'est notre maître qui a baptisé le votre, Jean est donc supérieur à Jésus !" Les évangélistes auraient eu tout intérêt à censurer ça pourtant ils ne l'ont pas fait. On peut donc raisonnablement penser que le témoignage des évangiles à ce sujet est fiable.

Un quatrième critère est la vraisemblance : si nous fêtons le jeudi saint un jeudi (?!) c'est que l'évangile selon St Jean, qui est le seul contre les trois synoptiques à affirmer que la cène a bien eu lieu un jeudi, est le plus vraisemblable : vu l'attachement des juifs de ce temps à la pureté rituelle il est fort invraisemblable qu'on ait mis à mort quelqu'un durant le sabbat, surtout durant la pâque. Est-ce à dire que les autres ont menti ? Non bien au contraire ! Si on se rappelle que les évangiles sont d'abord œuvre de théologie avant d'être des chroniques journalistiques cela nous fournit un renseignement précieux sur l'enseignement du Christ : si les synoptiques situent la mort du Christ durant le sabbat de la pâque c'est qu'ils ont compris que le Christ a voulu par sa mort donner un sens nouveau à cette fête.

Un cinquième critère est la réception : le fait que le nouveau testament ait été reçu par des gens qui ont connu le Christ ou les apôtres de leur vivant témoigne de la conformité de son propos à l'enseignement du Christ. Exemple : l'institution de l'eucharistie. Nous en avons quatre témoignages : un dans chacun des évangiles synoptiques et un chez Saint Paul. Tous les quatre comportent des différences notables. Ces différences témoignent que les textes racontent non pas le dernier repas du Christ avec ses disciples mais l'usage liturgique de leur communauté d'origine. Bref les récits d'institution dont nous disposons sont en fait la PGMR de l'époque. Falsification ? Non, bien au contraire ! Si l'eucharistie était déjà codifié liturgiquement si tôt c'est que les premiers disciples ont compris que Jésus n'a pas voulu faire simplement un repas entre copains mais a véritablement demandé un acte de culte. C'est un renseignement précieux sur ce que Jésus a vraiment voulu faire ! Quant à ce que Jésus a fait réellement ce soir-là les historiens s'appuieront plutôt sur Luc pour nous le dire : bien que Paul soit antérieur chronologiquement, ce que rapporte saint Luc ressemble le plus à ce que pratiquait les juifs du temps de Jésus (présentation du vin puis du pain puis du vin).

Cette liste n'est pas exhaustive et l'historien a de nombreux outils méthodologiques à sa disposition pour démêler l'historique du non historique. Il s'attachera à comparer les textes entre eux, à les confronter à ce qu'il sait par ailleurs (autres sources textuelles, archéologiques, etc.) et rendra compte tant des similitudes que des différences.

Sinon un peu de lecture :

- R. E. Brown, Que sait-on du nouveau testament ? Bayard, 2000.
- A. Marchadour, Les évangiles au feu de la critique. Bayard, 1995."


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