Le Nouveau Testament est-il fiable ?
Je fais ici un copier/collé d'un excellent commentaire sur la fiabilité du Nouveau Testament par Le Bon Seb.
Voilà de quoi méditer sur les réflexes habituelles de la communauté des historiens qui tend à décrédibiliser tout texte sacré :
"La difficulté vient de ce que les gens disent "c'est une source chrétienne, non neutre, donc non fiable".
Or
premièrement "non neutre = non fiable" relève plus de la pétition de
principe que de l'honnêteté intellectuelle. Un exemple : quand Marine
Le Pen dénonce les perversions de l'actuel ministre de la culture c'est
non neutre (elle pense déjà aux prochaines élections, pour dire les
choses gentiment...). Est-ce à dire pour autant que Frédéric Mitterrand
est irréprochable ? Non.
Ensuite deuxième erreur : "c'est une source chrétienne".
Dire ceci c'est faire une lecture rétrospective de l'histoire ! Il ne
faut pas transposer ce qu'on connaît du christianisme aujourd'hui sur
ce que vivaient les disciples de "la voie", comme ils se désignaient
eux-mêmes, et qui se pensaient plus comme juifs que comme "chrétiens"
au sens moderne du terme. Le Nouveau Testament est tout sauf un
phénomène concerté d'un groupe institutionnalisé. St Paul quand il
écrit n'a pas le sentiment de produire un texte inspiré. Ses lettres
sont des écrits de circonstance. Pour lui l'urgence est d'annoncer la
bonne nouvelle du Christ ressuscité en vue de son retour qui est
imminent. À cette époque se forment des communautés encore relativement
indépendantes par rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui car l'urgence
n'est pas de créer une structure institutionnelle mais d'annoncer la
résurrection du Christ et l'imminence de la fin des temps, et en vue de
cela se posait la question de savoir comment être fidèle au Christ. Et
le nouveau testament témoigne des querelles théologiques et pastorales
entre ces communautés. Donc techniquement les écrits du nouveau
testament sont considérés comme des sources indépendantes par les
historiens sérieux. Or lorsqu'un même évènement est attesté par des
sources indépendantes il y a de fortes chances pour que ça se soit
passé.
Après avoir démonté les pseudo arguments contre la
fiabilité du nouveau testament intéressons-nous à en démontrer
positivement la fiabilité. Il y a parmi les critères de fiabilité celui
d'attestation multiple. Ce critère est vérifié pour le nouveau
testament puisqu'il compte des auteurs divers et autonomes : un Saint
Paul n'est pas un Saint Jacques ! Matthieu et Luc ne sont pas du même
milieu ! Ce que toutes ces sources rapportent de commun a donc des
chances d'être fiable.
Un autre critère est celui de la date.
Les lettres de Saint Paul datent, pour les plus primitives, d'à peine
20 ans après la mort du Christ. Les quatre évangiles sont attestés dès
150, ce qui veut dire que leur rédaction fut faite du temps où ceux qui
avaient connu le Christ et les apôtres de leur vivant étaient encore là
pour en témoigner. Et au passage pour en rester sur la question des
dates la très large réception qui a été faite de ces textes par des
gens qui ont été contemporains des apôtres voire du Christ témoigne de
sa fiabilité.
Un troisième critère est celui de "l'embarras" :
les évangélistes par exemple n'avaient aucun intérêt à rapporter le
baptême de Jésus par Jean. En effet en ce temps-là les disciples de
Jean Baptiste étaient encore nombreux et ne manquaient pas de rappeler
: "c'est notre maître qui a baptisé le votre, Jean est donc supérieur à
Jésus !" Les évangélistes auraient eu tout intérêt à censurer ça
pourtant ils ne l'ont pas fait. On peut donc raisonnablement penser que
le témoignage des évangiles à ce sujet est fiable.
Un quatrième
critère est la vraisemblance : si nous fêtons le jeudi saint un jeudi
(?!) c'est que l'évangile selon St Jean, qui est le seul contre les
trois synoptiques à affirmer que la cène a bien eu lieu un jeudi, est
le plus vraisemblable : vu l'attachement des juifs de ce temps à la
pureté rituelle il est fort invraisemblable qu'on ait mis à mort
quelqu'un durant le sabbat, surtout durant la pâque. Est-ce à dire que
les autres ont menti ? Non bien au contraire ! Si on se rappelle que
les évangiles sont d'abord œuvre de théologie avant d'être des
chroniques journalistiques cela nous fournit un renseignement précieux
sur l'enseignement du Christ : si les synoptiques situent la mort du
Christ durant le sabbat de la pâque c'est qu'ils ont compris que le
Christ a voulu par sa mort donner un sens nouveau à cette fête.
Un
cinquième critère est la réception : le fait que le nouveau testament
ait été reçu par des gens qui ont connu le Christ ou les apôtres de
leur vivant témoigne de la conformité de son propos à l'enseignement du
Christ. Exemple : l'institution de l'eucharistie. Nous en avons quatre
témoignages : un dans chacun des évangiles synoptiques et un chez Saint
Paul. Tous les quatre comportent des différences notables. Ces
différences témoignent que les textes racontent non pas le dernier
repas du Christ avec ses disciples mais l'usage liturgique de leur
communauté d'origine. Bref les récits d'institution dont nous disposons
sont en fait la PGMR de l'époque. Falsification ? Non, bien au
contraire ! Si l'eucharistie était déjà codifié liturgiquement si tôt
c'est que les premiers disciples ont compris que Jésus n'a pas voulu
faire simplement un repas entre copains mais a véritablement demandé un
acte de culte. C'est un renseignement précieux sur ce que Jésus a
vraiment voulu faire ! Quant à ce que Jésus a fait réellement ce
soir-là les historiens s'appuieront plutôt sur Luc pour nous le dire :
bien que Paul soit antérieur chronologiquement, ce que rapporte saint
Luc ressemble le plus à ce que pratiquait les juifs du temps de Jésus
(présentation du vin puis du pain puis du vin).
Cette liste
n'est pas exhaustive et l'historien a de nombreux outils
méthodologiques à sa disposition pour démêler l'historique du non
historique. Il s'attachera à comparer les textes entre eux, à les
confronter à ce qu'il sait par ailleurs (autres sources textuelles,
archéologiques, etc.) et rendra compte tant des similitudes que des
différences.
Sinon un peu de lecture :
- R. E. Brown, Que sait-on du nouveau testament ? Bayard, 2000.
- A. Marchadour, Les évangiles au feu de la critique. Bayard, 1995."