Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de Menon
Archives
11 avril 2008

Clone Wars de Genndy Tartakovsky

51evgxOUY9L

Faisant suite à l’Episode II de la nouvelle trilogie de Georges Lucas, Clone Wars met en scène les Jedi accompagnés des troopers bien décidés à venir à bout des armées du comte Dooku. Bien sûr, Palpatine trame dans l’ombre le dernier acte de la méta-tragédie mythologique inventée par Lucas dans la première trilogie, rendant ces combats aussi dramatiques qu’excitants… En tout cas, compte tenu de l’intérêt ressenti lors du visionnage de la série, nous vous proposons d’élever le débat en démontrant comment, à partir d’un produit dérivé de l’Univers étendu Star Wars, on peut proposer une analyse des enjeux économiques et narratifs liés à la fiction contemporaine.

Surtout, ne zappez pas !

« Certes le design est discutable et l'animation et les décors tantôt superbes et tantôt ratés, mais ce qui frappe c'est que toute l'ambition visuelle des combats de jedis est enfin respectée. N'en déplaise aux millions de fans adolescents (dixit Lucas) des "nouveaux" épisodes de star wars, cette série animée est bien plus pêchue que ses films "L'attaque des clones" et "La revanche des Sith". Les images de synthèse c'est bien quand on sait quoi en faire, visiblement la bonne vieille 2D, dirigée par un bon réalisateur, fait mieux dans le genre spectaculaire débridé. »

« Une succession de scènes de combat sans aucun attrait qui se déroulent entrecoupées de dialogues à l'emporte pièce. Il ne manquerait qu'une chanson pour les enfants du style "Les jedis sont nos amis, sus à l'ennemi" pour que le pompon soit complet. Inventivité nulle au niveau des décors et des mises en scènes, personnages sans charisme. Quelques gadgets intéressants. A voir cet épisode, on se demande ce que les jedi font dans cette galère. »

Ces deux réactions contrastées (et critiquables sur le fond), publiées par des commentateurs du site d’Amazon, sont révélatrices de la difficulté de parler d’un dessin animé comme celui de Clone Wars. Réalisé par Genndy Tartakovsky à qui l’on doit Samuraï Jack ou Le laboratoire de Dexter, cette série se présente sous une forme surprenante : des mini-épisodes de 3 minutes seulement (à l’origine, ils devaient durer… une minute ! Mais Lucas aurait concédé 3 minutes à Cartoon Network après qu’il ait pris connaissance de l’implication de Tartakovsky dans le projet – on n’ose à peine imaginer ce qu’une aventure d’une minute aurait pu donner), diffusés à l’origine sur la chaîne Cartoon Network. Si dans un premier temps on peut s’interroger sur le choix d’un tel format, la réponse ne tarde pas à venir car un récit aussi bref permet plusieurs choses évidentes : tout d’abord, il oblige le réalisateur à réduire les dialogues au minimum pour privilégier l’action sans lequel le récit serait inintéressant ; deuxièmement, il convient particulièrement à un public jeune, qui a facilement tendance à zapper et qui, pour le coup, ne risque pas de détourner son regard de l’action – d’ailleurs, le design caricatural permet notamment une compréhension encore plus facile de la part du jeune public ; enfin, un tel format permet un matraquage journalier : en France, 10 épisodes étaient diffusés dans la même journée ! Ceci obligeant le spectateur à rester fidèle à la chaîne mais permet aussi d’offrir aux films Lucas des virgules publicitaires animées.

Faut-il pour autant considérer Clone Wars comme un simple gadget commercial ? Certainement pas. Au contraire, on doit le considérer avec le plus grand sérieux, justement à cause de son aspect étrange et iconoclaste. En effet, la série s’ingénie à brouiller les pistes avec un entrain sidérant. Tout d’abord, difficile de ne pas remarquer à quel point les designs charrient une histoire particulière : héritiers de l’école d’Hanna & Barbera (Les Pierrafeux, Scooby Doo…), ils inscrivent aussi la série dans une filiation pop-art et warholienne ! A la fois destiné aux enfants par son graphisme, la série concerne – en même temps – un public amateur d’art contemporain cartonnesque. Ce double regard  traduit une velléité d’auteur : Genndy Tartakovsky joue avec la perception du spectateur et vise un public trans-générationnel.

La guerre en direct

Une impression confirmée par le fait que la série se paye le luxe, à la suite de l’Episode II, de donner une vision militariste de sa saga avec des troopers héroïques opposés aux armées du comte Dooku agissant de manière « mécanique » (ce sont des militaires utilisant des techniques classiques pour prendre le contrôle d’une ville) alors que les autres combats mettant en scène des Jedis sont tous différents en fonction de celui se battant ! Il s’agit d’un tour de force difficilement appréciable par un spectateur lambda. En animation, en effet, le besoin de recycler, alléger les procédures de création, standardiser pour réduire les coups, interdit ce genre d’exploit.

Donc, la série commence par des séquences de troopers investissant une ville tenue par des robots insurgés. Difficile de ne pas penser alors à la situation irakienne : en un tour de main, le spectateur américain qui est – bien plus que nous – confronté aux images des troupes US au moyen orient, retrouve les mêmes images vues sur CNN mais dans un anime pour enfants (et on voit bien comment le gamin américain va retirer un plaisir bien différent de l’adulte face à cette série) ! pour autant, ceux imaginant que ce dessin animé allait rester sur cette tendance en font les frais. Car les combats mettant en scène Mace Windu et Anakin nous font basculer dans le merveilleux et l’impossible. Ils sont proprement hallucinants et parfaitement respectueux du niveau de puissance des personnages et de la façon dont ils considèrent le combat en fonction de leur niveau d’expérience. En l’occurrence, les combats de Mace Windu sont les plus impressionnants et laissent sans voix : post-matrix, Clone Wars ne singe pas le film des frères Wachowski mais en retire un enseignement : le dépassement des limites physiques humaines s’impose comme l’élément mimétique par excellence du monde contemporain. Puisque le corps est aujourd’hui devenu un problème à gérer (demande d’euthanasie, culte de la minceur, culte de la performance sexuelle, souffrances corporels du au stress du travail en entreprise…), représenter, à travers une fiction, un dépassement et un déni de toute limite du corps, revient à provoquer un état d’excitation chez le spectateur.

Pop-culture

Une telle série démontre sans doute à quel point le pouvoir est désormais entre les mains de Geeks. Il y a dix ans de cela, une telle œuvre n’aurait jamais pu voir le jour aux Etats-Unis, pays considérant l’animation comme infantile. L’influence exercée par l’animation japonaise a été déterminante à ce niveau, il me semble. Sans compter que les longs-métrages en 3D initiés par Pixar ont révolutionné le regard porté sur l’animation locale. Désormais, le dessin animé ou le film d’animation sont des produits culturels hype et intellectuellement approuvés. La plus belle ruse du Diable consiste à persuader tout le monde qu’il n’existe pas disait Baudelaire. Celle des geeks consiste à respactibiliser une pop-culture qui leur valait, il n’y a pas encore si longtemps opprobre et mépris.

Fox Pathé Europa.

Publicité
Commentaires
Le blog de Menon
Publicité
Le blog de Menon
Publicité