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Le blog de Menon
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16 octobre 2007

La mort spectacle de Michela Marzano

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Le sujet est fort et appelait une démonstration à la hauteur de l’ambition affichée par l’auteur. Dénoncer « la mort spectacle », faire un sort à la mise en spectacle des exécutions islamistes, des accidentés de la route et des snuff movies participe d’une réaction saine et intelligente pour canaliser et donner un sens à des pulsions étrangement gratuites dont la persistance laisse craindre de sombres dérives. Sauf que, Micheal Marzano, auteur de La mort spectacle – enquête sur l’ « horreur réalité » n’a simplement pas les moyens de ses ambitions. Avec le livre Dieu avec esprit d’Irène Fernandez, il s’agit du plus pathétique et médiocre essai que j’ai lu : on sent ces textes empreints de tout ce que la féminité a de plus médiocre dans la caricature qu’on en fait, à savoir une propension à l’émotion au lieu de la réflexion.

L’ouvrage de Marzano se contente donc de décrire certaines vidéos, de faire état des lieux de ce que l’on peut voir sur le net, et tout cela sous un angle fort subjectif, celui de ses propres pérégrinations. Après avoir, pour ainsi dire, tracer un état des lieux (le tout sans aucun chiffre, ni recensement scientifique), notre philosophe tente médiocrement de commenter le goût de certains pour l’horreur spectacle sans jamais réussir à produire une quelconque hypothèse (oui, finalement, pourquoi ? On ignore toujours) tout en perdant pas une occasion de le déplorer. Mais le déplorer pourquoi ? Croyez le ou pas, Marzano n’a même pas pris la peine de réfléchir à cette question, ce qui fait que l’on ignore si le visionnage des vidéos de morts trouvées sur Internet pourrait avoir la moindre influence sur le comportement humain. Du coup, elle en déduit que c’est mal parce que le visionnage répété conduit à l’indifférence. Certes. Mais quand je vois l’attitude de mes concitoyens dans le métro, je note qu’ils sont particulièrement indifférents les uns aux autres : visionnent-ils tous des vidéos gores ?

Essayant d’élever le débat, je me suis tourné vers Linda Gilaizeau, archéologue doctorante à Paris I qui travaille sur l’archéo-anthropologie funéraire. « Il suffit de se tourner vers l’histoire et l’archéologie (car se sont principalement par les textes que nous sommes renseignés sur le moyen âge) pour obtenir une indication claire sur l’intérêt de tous pour la mort. A cette époque, la mort étant le lot de tous, chacun s’y préparait et s’y confrontait régulièrement : outre les exécutions publiques, il faut savoir que les cimetières étaient alors habités, qu’on y tenait des marchés… bref, il s’agissait de lieux de vie. Aujourd’hui, la mort est cachée, interdite, devenue taboue », conclue-t-elle. « Pour une référence sérieuse, on consultera La Mort en Occident de Philippe Ariès au Seuil. Ajoutons aussi que dans la sphère privée, les gens mettaient leurs propres morts en scène ; on mourrait certes dans son lit mais entouré de tous : famille, amis, curé…sans compter les chapelles ardentes dans la maison même du mort où tout le voisinage défilait… ».

Ces précieuses informations nous permettent d’imaginer que l’intérêt des gens pour les spectacles de la mort tient à ce que nous essayons, par ce biais, d’obtenir une connaissance sur un événement ineffable. Ce qui est forclos revient par la petite porte de la pulsion : plus on bride, plus on cherche à effacer et à taire, plus l’inconscient cherche à satisfaire son désir de savoir. Le tout sans prendre de gants avec le voyeurisme et le malheur des autres, malheur qui est toujours un peu celui que l’on connaît.

Autant dire que l’essai de madame Marzano aurait largement gagné si cette dernière avait ouvert un bon livre sur le domaine de la mort, en archéologie ou en histoire. Une mise en perspective historique aurait permis de comprendre pourquoi nombre de gens visionnent ces vidéos. Dans un deuxième temps, il aurait été bon d’envisager une réflexion approfondie sur la question pour sortir de l’attitude angoissée qu’affiche l’auteur, afin de dresser un constat appuyé par des chiffres (enquête d’opinion…), de façon à déterminer si oui ou non les gens voient leur attitude à l’égard de leurs semblables modifiés par les films gores qu’ils visionnent et si ce même visionnage conduit forcément à une modification de son psychisme.

En l’état des choses, le lecteur ressort horrifié de la lecture de cet essai et face à nombre de questions d’autant plus inquiétantes qu’il n’a pas la moindre idée de la gravité potentielle de réponses tout aussi potentielles. Plutôt que d’inquiéter, mieux vaut éduquer. Plutôt que de faire paniquer, mieux vaut inviter à penser. Face au désir de mort de certains d’entre nous, comprendre, analyser et trouver une réponse adéquate s’avère certes une mission de longue haleine, mais nécessaire.

Gallimard, 5,50 euros.

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Commentaires
C
peut-etre que ce n'etait pas vraiment michela marzano...moi ce que je ne comprend pas c'est que elle a quand meme du regarder ces videos pour s'informer... cela veut donc dire que, contrairement a ce que l'essai veut nous faire penser, c'est bien une question d'"information" prfois de regarder ces videos "morbides" ?
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M
Visiblement, en plus d'être une auteure décevante, vous semblez fuir le débat de toutes vos forces. C'est sans doute qu'au CNRS on s'estime au dessus des pauvres remarques de ses lecteurs. Après tout, vous ave des diplomes et bien le droit de vous taire quand on cherche à débattre de votre travail... Pathétique.
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M
Pour commencer, bonjour.<br /> J'aurais aimé que vous introduisiez votre message de la sorte, mais tant pis.<br /> <br /> Bon. Vous dites que j'écris sous couvert d'anonymat. Faux ! Si vous cliquez sur mon profil, vous avez mon adresse e-mail qui vous donne mon véritable nom. Bon, je mets ça sur le compte du peu de visibilité du profil.<br /> <br /> Ensuite, chère madame, je vais encore une fois me répéter : j'ai ouvert votre livre, très intéressé par le sujet. Sans doute aurais-je du m'inquiéter du nombre de volumes vendus d'occasion chez Gibert.<br /> <br /> Je l'ai pris, et je l'ai lu avec attention, comme tous les livres de ce blog. Ben oui, je les achête ces livres ! Vous voyez, même si je chroniquais anonymement, je ne vois pas en quoi je n'aurais pas le droit de parler de votre ouvrage parce que je ne l'ai pas aimé !<br /> <br /> Donc, je l'ai lu, disais-je, et tout ce que j'ai ressentis, c'est de la peur. Je me suis dit : "mince, mais c'est horrible ce qu'elle décrit. Que peut-on faire ?"<br /> Et là, je n'ai rien trouvé dans votre bouquin pour me calmer ou pour chercher à expliquer et comprendre le phénomène que vous décrivez.<br /> <br /> Diantre. J'avais encore plus peur.<br /> <br /> Et je ne vous cache pas que je n'aime pas avoir peur. <br /> <br /> Vous dites que les chiffres n'existent pas sur le sujet : certes, mais vous étiez libre de mener une enquête, non ? Je conçois que cela ne soit pas évident à faire, mais après tout, personne ne vous a forcé à écrire ce livre, non ? Du moment que vous vous êtes décidée à le faire, pensiez-vous véritablement que le peu d'informations en votre possession vous permettait de tenir une analyse ?<br /> <br /> Il me semble que vous avez été impressionné, comme une photographie, par cette horreur du net, ce que vous décrivez d'ailleurs vous-mêmes. Face à des images aussi laides, horribles et intenables à tous les niveaux, il me semble, là encore, que vous avez voulu alerter et faire réagir.<br /> <br /> Seulement, de mon point de vue, cela ne suffit pas. Il faut aussi guérir ! Comme la philosophie est une méthode pour trouver le bonheur et guérir de ses maux de l'âme, votre essai à prétention philosophique aurait du aider vos lecteurs à se guérir de cette fascination de la violence.<br /> <br /> On continue le débat ?<br /> <br /> Sincèrement,<br /> Menon
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M
C'est facile de critiquer sous couvert d'anonymat ! Quant aux critiques, désolée de vous le dire, mais elles ne sont pas pertinentes... Lorsqu'on fait une critique d'un livre, en principe on ne généralise pas les propos par rapport à d'autres ouvrages qui n'analysent pas le même « objet ». Or, aucun essai n'existe sur les vidéos de mise à mort (bien sûr les références que vous donnez sur des ouvrages sur la mort sont bien connues, mais l'objet de mon essai n'est pas la mort en général ou sa soi-disant disparition en Occident)... quant à l'enquête et les chiffres, je donne celles qu'on peut repérer... comme vous devriez le savoir, les chiffres concernant des phénomènes de ce genre n'existent pas... d'autant que mon propos n'était même pas là... Il suffit de savoir que sur un site où les vidéos étaient facilement accessibles, dès qu’une nouvelle vidéo était mise en ligne 800.000 internautes se précipitaient sur le site afin de la regarder… Quant à l'analyse du phénomène (que selon vous est inexistante), je vous invite à relire la partie sur les digues psychiques... mais je crois que lorsqu'on ne veut pas savoir, il n'y a pas des moyens de le convaincre... Enfin, vos remarques sur la féminité et ses « défauts » sont bien la preuve du machisme ambiant... mais là encore... inutile d'insister lorsqu'on est face à des aveugles...
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M
Courage et humanité oui, mais le problème n'est pas l'affect de son livre mais cette espèce d'apitoiement angoissé. <br /> <br /> Michela Marzano a peur de ces vidéos de la mort et elle ne trouve rien à dire pour : comprendre le désir des personnes de les regarder, évaluer les dégâts psychiques occasionnés par elles et trouver un moyen de combattre ce désir.<br /> <br /> Du coup, à part éveiller chez le lecteur un sentiment d'inquiétude et d'incompréhension, son essai ne sert à rien : c'est là le problème !
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