L'aiguille creuse de Maurice Leblanc
Drôle de roman que L’aiguille creuse signé par Maurice Leblanc. Quatrième tome des aventures d’Arsène Lupin il se révèle, à l’instar de nombre de tomes des aventures du gentleman cambrioleur, plutôt surprenant et en décalage avec ce que l’on imagine des aventures du grand Arsène. C’est que, chez Leblanc, notre escroc et voleur a une certaine noblesse de cœur, un panache typiquement Français mais aussi la mauvais habitude de tomber amoureux, une propension à multiplier les erreurs, les accidents et à se faire rouler dans la farine, voire se retrouver à agoniser dans un coin. L’aiguille creuse n’échappe pas à la règle : difficile de parler plus en avant de ce roman sans en révéler quelques composantes. Que les lecteurs aimant la surprise la plus totale détournent donc leurs regards de cette chronique. Pour les autres qu’ils se rassurent néanmoins : je serais le plus flou possible.
Or donc, le véritable héros de ce livre, il faut le souligner, n’est pas Lupin : cela n’est pas propre à ce tome, puisque dans L’île aux trente cercueils on retrouvera cette même situation. Mais là, grande différence, puisque Isidore, personnage principal du livre, est non seulement l’adversaire d’Arsène, mais aussi un simple lycéen qui pourtant met en échec le grand détective cambrioleur ! Incroyable mais vrai ! Et plus encore, il faut bien le dire, il se révèle largement plus sympathique et intéressant que Lupin. Pour les amateurs de manga, soulignons que si on m’apprenait que les Clamp se seraient inspirées de lui pour créer certains de leurs personnages, je ne serais pas plus surpris que cela… Face à lui, Lupin se révèle vaniteux, orgueilleux, insupportable de fatuité, méprisant, minable, ayant recours à des stratagèmes indigne de son honneur. Bref, il perd de sa superbe et on s’interroge sur le désir de Leblanc : testait-il la possibilité de remettre aux oubliettes ce Lupin qui le poursuivit jusqu’à la mort pour le remplacer par Isidore ?
Au final, L’aiguille creuse pose problème : son intrigue est certes remarquable et passionnante, les coups de théâtres se multiplient pour le plus grand plaisir du lecteur qui dévore littéralement les pages, mais quelque chose ne tient pas dans le personnage de Lupin et il déçoit. Pour tout dire, j’ai cru un bon moment qu’Isidore était le vrai Lupin et que l’autre se faisait passer pour lui. C’est dire ! Sans compter, cerise sur le gâteau, que l’événement expliquant comment Lupin a pu échapper en début de livre aux gendarmes me paraît, sauf gros problème de lecture, totalement incompréhensible. Bref, autant je garde une passion pour le premier roman d’Arsène Lupin, autant celui-là se fait plomber par son héros : avouez que c’est balot.
Le livre de poche, 3,50 euros ou 5,23 euros (édition jeunesse).