Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de Menon
Archives
28 septembre 2007

Médée et Les Troyennes d'Euripide

51VBPTR6YKL

La Médée d’Euripide se singularise, tout comme la deuxième pièce du recueille Les Troyennes, par de longs pavés monologués : une poignée de personnages sont sur scène et échangent finalement très peu, leurs discours se complétant plus que se répondant. En découle un rythme n’ayant rien à voir avec des pièces modernes comme celles de Racine ou de Molière, voire même de Sophocle. Ici, on entre dans la pensée d’un autre dont on entend raconter les tourments : l’action n’est pas, réduite à sa portion congrue, tout passe par l’étendue du néant de l’Etre.

 

Dans Médée, Euripide met en scène l’épouse de Jason : la « barbare » est délaissée pour une princesse grecque ; insulte pour Médée qui décide de se venger de manière cruelle et monstrueuse. À la différence de la pièce de Sénèque dans laquelle Médée jouit de son crime à venir et a une personnalité particulièrement cruelle (André Glucksmann y voit l’archétype du nihiliste terroriste dans son livre Le discours de la haine), Euripide donne à son héroïne une personnalité tourmentée, une haine qui grandit mais reste inféodée à un fatalisme qui rend Médée bien plus humaine, bien qu’elle reste un monstre.

 

Dans Les Troyennes, Euripide pousse encore plus loin le pathétique humain : la guerre de Troie vient de prendre fin et les vainqueurs se partagent les restes. La femme de feu Priam, Hécube, apprend qu’elle va devenir esclave tout comme sa fille ; quant à ses fils, ils seront précipités des falaises de la ville fantôme. Un écrit terrible, d’une modernité hélas insupportable, qui restitue à merveille la douleur incroyable du vaincue à la fin d’un conflit : l’horreur vient aussi du fait que sont victimes de l’affrontement des innocents n’ayant pas pris part à la guerre (la majorité des victimes des guerres d’aujourd’hui ne sont plus les soldats mais les civils !). Du coup, le texte relativise totalement la prétention des héros de l’Iliade à l’héroïsme et entend dénoncer toute prétention à la noblesse de l’activité guerrière.

 

Aride et désespéré, voilà comment qualifier le théâtre d’Euripide. Bien que courtes (une quarantaine de pages), les pièces du recueil sont difficiles à lire, extrêmement denses et faisant naître une sensation de douleur et de lassitude dans le cœur du lecteur. Autrement dit : on ne lit pas Euripide pour prendre du plaisir à la lecture, mais pour se confronter à la souffrance la plus entière. Un texte majeur pour les anti-militaristes et les nihilistes romantiques.

Librio, 2 euros.

 

Publicité
Commentaires
Le blog de Menon
Publicité
Le blog de Menon
Publicité