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Le blog de Menon
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27 août 2007

Le boucher de Guelma de Francis Zamponi

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1945, Algérie. Les Algériens défilent au cours d’une manifestation pacifique pour célébrer la libération mais aussi pour des motifs sans doute plus complexes. La situation est tendue comme pas possible : les militaires en place sentent que quelque chose se trame : comme le parfum d’une possible insurrection. Effrayés par le nationalisme des Algériens, les militaires auraient tués un scout musulman porteur du drapeau du pays. Tout de suite, la machine s’enclenche : massacres d’européens contre massacres de musulmans. Bilan ? Si les pertes françaises sont minimes, le gouvernement algérien d’aujourd’hui annonce un chiffre de 45 000 massacres !

Aujourd’hui : Maurice Fabre, alors sous préfet durant les massacres de 1945 se fait arrêter en Tunisie et extradé en Algérie pour être jugé pour crimes contre l’humanité. Le vieil officier, tout d’abord, se cabre et conteste qu’on puisse le juger et puis, il se prend au jeu. Finalement, agacé par le cirque ambiant, par les pressions du gouvernement français, par les menaces des nationalistes algériens, il décide de tout balancer sur les massacres de 1945, révélant une terrible conspiration.

Un roman noir historique, voilà ce qu’est ce livre. Et un bon, un très bon même. Francis Zamponi a signé ses romans dans ce contexte de la guerre d’Algérie. Toujours. Pour le Boucher de Guelma, il signe un roman remarquable à plusieurs niveaux : tout d’abord par son style : le livre se dévore tout en étant bien écrit. Oh, pas d’esbroufe ou de balzaciennes descriptions, mais une maîtrise des dialogues et du monologue rendant crédible les échanges, le procès et les pensées de Maurice Fabre. Mais tout cela ne serait rien sans le scénario : et lui s’avère exceptionnel. Je n’ai pas les compétences pour juger si la théorie évoquée dans le livre est juste, mais l’auteur s’appuie sur des choses tellement exactes qu’on a plus qu’un doute en renfermant le livre. Un livre très noir d’ailleurs. Zamponi, avec beaucoup d’habileté, nous met tout d’abord dans la peau de Fabre, générant l’empathie du lecteur pour ce dernier. Et puis, au fur et à mesure les révélations tombent et mazette ! On se rend compte que l’on côtoie avec Fabre autre chose qu’un simple salaud : véritablement un malade mental.

Mettre ainsi le lecteur dans les pas d’un bourreau a quelque chose de vertigineux. Cette tentative nous renvoie à ce qu’André Glucksmann souhaitait dans Le Bien et le Mal : qu’on se demande en quoi nous sommes des Hitler potentiels, interroger notre part des ténèbres pour ne pas dire qu’on ne pouvait pas savoir. L’expérience a ses limites, bien sûr, mais chez Zamponi on se prend au jeu et franchement, on n’aime pas trop ce que l’on a vu de soi.

Seuil, 16 euros.

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