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Le blog de Menon
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23 août 2007

Neuromancien de William Gibson

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Publié en 1984, le roman Neuromancien a lancé et popularisé le genre cyberpunk : voilà ce que l’on apprends au gré de ses lectures sur le net. Partiellement vrai seulement, tant les commentateurs oublient l’importance de Philippe K. Dick dans la genèse du genre. Toutefois, sans ce classique de la science-fiction qu’est devenu le Neuromancien de William Gibson, Matrix n’aurait jamais existé et Ghost in the Shell ne nous aurait pas bouleversé. Autant dire que l’on aborde la lecture de ce roman avec un mélange d’excitation et de fascination.

L’histoire démarre très bien : on fait la connaissance de Case, un ancien cow boy de la Matrice, capable d’aller pirater des ordinateurs ou modifier des dossiers informatiques à l’autre bout du monde en se câblant sur une machine. Mais le jour où il a voulu se sucrer sur un employeur, ce dernier lui a fait subir une opération l’empêchant de se brancher de nouveau sur un ordinateur. Depuis, camé et amoureux de Linda Lee, une fille borderline, il vivote de mauvais coup, devant un paquet de frics à des types peu recommandables…

À un premier niveau de lecture, Neuromancien s’inscrit donc dans le genre du roman noir : on retrouve le héros dépendant, amoureux d’une fille de mauvaise vie, qui s’enfonce dans la médiocrité et finira un jour poignardé au fond d’une ruelle… Voilà pourquoi le début de l’ouvrage passionne : malgré un vocabulaire complexe, il reste accessible et on retrouve ses marques. Mais tout se complique lorsque Case rencontre le mystérieux Armitage, un employeur énigmatique. Ce dernier lui offre une opération lui permettant de redevenir un cow boy de la Matrice. Accompagné de la sexy et dangereuse Mollie, une samouraï des rues, les voilà partis à la recherche d’un fumeur de ganja et d’un illusionniste pervers pour exécuter une mission de la plus haute importance.

Mission dont on ne comprendra rien, jusqu’à la dernière page ! En effet, William Gibson a décidé de ne pas faciliter la tâche au lecteur en le promenant dans un récit abscons : on ne sait pas pourquoi les personnages agissent, on ne comprends pas forcément ce qu’ils font (vous avez intérêt à connaître le vocabulaire cyberpunk avant de vous y mettre) et par moment, on décroche complètement… Pourtant, cette rudesse de l’œuvre n’entame pas complètement l’intérêt pour le livre. Certes, il faut se farcir une syntaxe équivoque (du à l’auteur ou au traducteur ?) et ne pas toujours bien suivre l’histoire gâche forcément le plaisir, mais à l’instar d’une poésie dont on ne comprendrait pas tous les mots ou les images, on peut toujours se laisser porter par la magie. Et ici, elle fonctionne admirablement bien. Surtout dans la dernière partie, avec cette Molly dont Case ressent les moindres mouvements, confrontée à une galerie de freaks pas si monstrueux qu’ils en ont l’air… et jusqu’à ces dernières lignes énigmatiques au possible nous faisant douter de tout. Finalement, ne sommes-nous pas encore dans la Matrice ou bien assisterait-on à un miracle ?

Dans l’univers de Gibson, Dieu a en effet disparu et on peut voir tout le livre comme une réflexion métaphysique autour de cet oubli et comprendre la mission de nos héros comme la tentative de le ressusciter. Car que font Case et Molly si ce n’est éliminer des divinités pour donner naissance au Dieu unique ? On peut ainsi suivre le livre à l’aune de cette réflexion, et constater qu’il y a une tentative intéressante et osée de remettre du sacré dans un univers sans moral. Sans doute que la suite du Neuromancien (Comte Zero et Mona Lisa s’éclate) apportera un complément à notre réflexion. En l’état, on conseillera néanmoins cet ouvrage malgré une opacité certaines : mais comme toujours, on n’a rien sans rien. Souvent, dans la difficulté réside l’intérêt.

J’ai Lu, 6 euros.

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Commentaires
S
Difficile à la lecture, c'est pourtant l'essence même du cyberpunk : monde futuriste, sombre et sans espoir...<br /> Très bon livre, la suite est pas mal non plus : compte Zero, Mona Lisa s'éclate ...<br /> <br /> Et oui, c'est une source inouïe de réflexion, comme toutes les oeuvres de science fiction.<br /> Mais la SF en France a mauvaise image. Dommage, elle est pourtant si bénéfique pour savoir où l'on va.
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