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Le blog de Menon
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17 avril 2007

Jésus parlait Araméen d'Eric Edelmann

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Rien ne se tient et rien ne va dans ce Jésus parlait Araméen. Pourtant, l’idée à l’origine du livre était bonne : Jésus, lorsqu’il enseignait, parlait un dialecte hébraïque, l’Araméen palestinien. Or, son enseignement nous est parvenu dans les traductions grecques des textes du Nouveau Testament, les originaux hébreux ayant été égarés. De fait, l’annonce par l’auteur de la découverte d’un Evangile écrit en Araméen autorisait une relecture des textes grecs – car on sait qu’une traduction transforme le sens d’un texte et l’altère. Revenir donc aux sources, en comparant Grec et Araméen, aurait pu permettre de relire les paroles de Jésus en collant encore plus à ce qu’il avait réellement voulu dire.

Mais, hélas, Eric Edelmann, l’auteur du livre, n’a en fait rien fait de l’idée de départ de son propre ouvrage ! Au lieu de retraduire ou repenser les Evangiles pour en donner un sens plus précis, il prend une option philosophiquement acceptable, mais indéfendable d’un point de vue chrétien, le gnosticisme – position qu’il récuse, persuadé de la différence entre la gnose (connaissance) et gnosticisme (religion basée sur la connaissance). Selon Edelmann, en effet, Jésus a donné un enseignement permettant à tout disciple le suivant de réaliser sa transformation intérieure, de prendre la voie de l’élévation spirituelle. Or, l’erreur majeure de l’auteur aura été de considérer que cette transformation est indépendante du cœur du message du Christ. Ainsi, Edelmann fait fi du plus grand enseignement de la Thora revendiqué par Jésus : aimer le seul et unique Dieu, et aimer son prochain comme sois même. Car l’amour, cet amour totale et entier à la base du Christianisme reste la condition sine qua non pour que tout un chacun, nous nous retrouvions réellement transformés. Sans compter qu’au-delà même de cet amour humain, il y a l’Amour de Dieu : Jésus, en ressuscitant, trompe la mort et donne à chacun la garantie de l’immortalité de l’âme – d’où le sacrifice du Christ, sacrifice d’Amour pur. Il refuse l’idée de résurrection du Christ, préférant réduire son triomphe sur la mort à une maîtrise de son corps comme des grands maîtres tibétains ou yogis. Edelmann occulte donc volontairement les apparitions du Christ aux douze et à Maryam et ce sans la moindre justification.

De fait, en occultant la base même du Christianisme, Eric Edelmann se trompe complètement sur le message de Jésus. Il relit les paraboles, et tente d’y retrouver le sens premier du texte. Mais, il a beau se référer à l’Araméen, en réalité, le nouveau sens dégagé n’est pas toujours éloigné du précédent contrairement à ce qu’il prétend – en l’occurrence, soulignons le, il apporte néanmoins de nombreux points de vues intéressants sur les termes utilisés dans le Nouveau Testament, permettant au néophyte d’appréhender un texte plus difficile qu’on ne le croit ; on apprécie aussi le sort qu’il fait à la traduction de la Bible par la Bible de Jérusalem : les faiblesses sont patentes et on apprécie de se voir mis en garde. Mais Edelmann, hélas, pousse loin les choses en prétendant que pour Jésus, il n’y a ni Bien ni Mal, mais juste une bonne façon d’avancer sur le chemin intérieur. Quelle fatuité ! Comment alors cataloguer le chemin qui ne conduit pas au bien être comparé à celui conduisant à la pureté : ne sont-ce pas le Mal et le Bien ? Cette prétention ridicule à nier l’idée de pêché, à nier l’idée de faute, revient à faire de Jésus un simple gourou. Il le met d’ailleurs sur le même plan que les maître indiens : après tout, pourquoi pas proposer un dialogue interreligieux ; pourquoi pas donner une lecture spirituelle de Jésus. Mais en tout cas, il ne jamais espérer ou croire pouvoir devenir meilleur, plus maître de soi, plus noble et sage en oubliant que l’Amour se révèle la seule clé permettant notre transformation.

Cela ne rate pas : la relecture des paraboles évangéliques d’Edelmann ne tiennent pas la route une seule seconde. Disons le : on ne retiens rien de ses verbiages ! En effet, l’auteur ne cesse de répéter tout au long du livre que les propos de Jésus sont fort clairs, et ses instructions précises. Mais en le lisant, on ne voit absolument pas comment faire pour atteindre cet état d’éveil ! Oh, certes, on a compris qu’il fallait apprendre à considérer les choses sous un angle juste, faire preuve d’humilité, apprendre à faire confiance à notre voix intérieur, accepter de nous reconnaître comme faibles du point de vue psychique et travailler sur nos résistances, mais avait-on besoin de ce livre pour cela ? La réponse est non : car au-delà de toutes les erreurs de l’auteur, il oublie qu’un enseignement de type gourou passe par l’oral : que Jésus a eu beau écrire tout ce qu’il pouvait écrire, ses paroles resteront à jamais lettre morte pour celui refusant d’accepter la réalité de l’Amour de Dieu.

A l’origine des premières Eglises, les gnostiques apparurent : ils récupérèrent la figure du Christ pour en faire le héraut de leur enseignement. Refusant de reconnaître que Dieu était le père du Monde, il croyait qu’il y avait deux entités, dont l’une cruelle avait créé la matière et qu’il fallait rejeter le corps pour atteindre la libération par la mort, voir son esprit voler dans les étoiles, et retrouver la demeure des dieux. Ils furent considérés comme hérétiques puisque leurs traditions et leurs philosophies étaient en contradiction avec l’essence même du Christianisme… Aujourd’hui encore, ce mouvement n’est pas mort : ce livre en atteste. Tant qu’on lira les paroles du Christ en étant persuadé qu’on peut se passer d’aimer, qu’on peut se contenter d’atteindre l’éveil en acquérant des connaissances, on restera un gnostique, un être incomplet, incapable de se libérer des réelles chaînes de l’Etre. Et l’auteur aura beau condamner le gnosticisme et célébrer la gnose, cela ne change rien : il pêche, soit selon le sens étymologique du mot, rate sa cible.

Pocket, 7,60 euros.

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Commentaires
L
Pardon Talmud de Jmmanuel....
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M
Le "Jésus" d'Eric Edelmann parle à qui peut l'entendre!
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J
"L'Amour, l'amour... Seigneur, Seigneur..." Il est des mots qui cachent mal les peurs, semble-t-il.<br /> <br /> Je ne crois pas qu'Eric Edelmann cherche à faire de Jésus un gourou. Mais tout bien considéré ce serait toujours mieux qu'un Jésus-idole.<br /> <br /> Une question : que sont "les chaînes de l'Etre" ?<br /> <br /> Cordialement<br /> jfaxro
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