Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de Menon
Archives
9 mars 2007

Les deux gentilshommes de Vérone de William Shakespeare

2080700472

A Vérone, deux gentilshommes amis, Valentin et Protée, s’entretiennent de l’amour : Valentin raille son camarade qui se consume pour la belle Julia et part en voyage à Milan. Lorsque Protée obtient de la belle Julia la confirmation de ses sentiments à son égard, il ne se sent plus de joie, mais son père l’envoie à son tour à Milan. Il y retrouve Valentin, faisant depuis son arrivée la cour à la belle Sylvia, pourtant promise à un autre. Tombé aussitôt amoureux de Sylvia, Protée va tout faire pour la voler à son ancien ami.

Écrite en 1594, Les deux gentilshommes de Vérone de William Shakespeare est sans doute sa toute première œuvre. Cela se ressent à travers une intrigue fort simple dont le déroulement, et surtout la conclusion, paraissent aujourd’hui maladroits.

Néanmoins, il serait dommage de condamner cette pièce qui a pour elle quelques beaux moments. On apprécie ainsi les dialogues extraordinaires échangés par les deux valets de Protée et Valentin : la traduction de François-Victor Hugo (le fils de Victor Hugo) tient le haut du pavée en transcrivant des jeux de mots redoutables. Le caractère des deux personnages, un peu fous et décalés a quelque chose de délectable, bien que parfois, leur comportement paraisse trop confus.

Quant à Valentin et Protée, ils se révèlent particulièrement intéressants. Ainsi, la transformation de Protée en traître surprend et face à lui, Valentin en impose par une certaine noblesse. Ceci conduisant à l’absurde conclusion de la pièce qu’on ne révélera pas. Toutefois, cet étrange comportement s’éclaire lorsque l’on réalise qu’il existe une connivence entre les deux hommes éveillant l’idée qu’ils pourraient être homosexuel (il faut dire que les hommes fonctionnant en binôme dans les pièces de Shakespeare pullulent et qu’en règle générale, il y a toujours une dimension homosexuelle en eux). De fait, on saisit mieux le comportement de Valentin, scandaleux et la réaction de Protée. Ce détail grotesque, venant mettre fin de manière si radicale à la pièce laisse entrevoir une volonté intéressante de la part du dramaturge anglais.

En effet, sauf à considérer que l’auteur ne maîtrisait pas encore bien sa mise en scène, on peut espérer voir dans ce renoncement à produire une conclusion digne de ce nom une double volonté : concrètement, privilégier un happy end enthousiasmant pour faire oublier les tristes événements passés tout en surprenant et déstabilisant le spectateur. Ensuite, se livrer à une scène transgressive durant laquelle on entend la manifestation du désir homosexuel de Valentin pour Protée : manifestation répugnant le spectateur tant elle se révèle misogyne et insupportable. La volonté de Shakespeare était-elle de dégoutter le spectateur hétéro et de faire adhérer le spectateur homo ?

En l’état, Les deux gentilshommes de Vérone ne se fait plus entendre : personne ne semble réellement connaître cette pièce et la lire. Hamlet, McBeth ou Jules César tiennent le haut du pavé et éclipsent une partie important de l’œuvre de Shakespeare. Il ne tient donc qu’au lecteur de faire l’effort de lire les textes oubliés du maître, afin de se retrouver capturé par sa maîtrise et la dimension subversive de ses textes.

Editions Flammarion, 5,30 euros.

Publicité
Commentaires
Le blog de Menon
Publicité
Le blog de Menon
Publicité