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Le blog de Menon
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25 février 2007

Sociologie du dragueur d'Alain Soral

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L’agressivité langagière caractérise la façon dont Alain Soral entame sa réflexion sur la Sociologie du dragueur. Les termes employés par le sociologue (ou plutôt psychologue ? nous y reviendrons…) sont limites orduriers, diffamatoires et violents. Chez lui, le sexe de la femme pue la marée, les homosexuels sont des pédés ou des tantes et les jeunes filles des pétasses qui s’ignorent.

La première réaction à la lecture de cette réflexion tient plus de l’exaspération ou du rejet que de l’intérêt. Mais comme toujours, le lecteur choisira son camp : à savoir abandonner un texte se présentant en décalage avec ses propres perceptions et valeurs ou alors tenter l’aventure de la lecture et de la réflexion, quand bien même on se sent remis en question… Essayons donc de voir et de comprendre ce qu’Alain Soral décrypte dans la figure du dragueur.

Question de méthode

Pour commencer, faisons un sort au titre : Sociologie du dragueur, nous dit-on. Pourquoi sociologie ? Pour avoir pratiqué cette discipline à l’université, je constate qu’Alain Soral n’en respecte pas les règles élémentaires : à savoir, l’enquête d’opinion serrée, précise et chiffrée autour d’un pool de dragueurs considérés comme représentatifs de ce lumpenproletariat de l’amour. Des chiffres, on veut des chiffres ! s’exclame le sociologue avertit de l’objectivité de la donnée numérique et inquiet de la psychologisation, toujours subjective et particulière. Soral se réclame pourtant d’elle, pour ne pas dire carrément de la psychanalyse (et son pool de dragueurs tient sur les doigts d’une seule main). Car le dragueur qu’il étudie ne doit pas être confondu avec le séducteur, mondain et esthétique, ni même avec le romantique, passif et désespéré ; son dragueur, en l’occurrence, est un Etre en souffrance ; sa pathologie se traduit dans son action première qui occupe toutes ses pensées, draguer et son but, coucher.

La père(version) (a)mère

Mais pourquoi tant de pusillanimité serait-on tenté de se demander ? Tout tient au comportement des parents. Le dragueur correspond à un modèle social de déshérité de l’amour : déshérité du côté de la mère, qui n’a pas su aimer ou qui a violenté l’enfant. Le manque paternel compte aussi : le sécateur du lien unique et fusionnel entre la mère et l’enfant n’a pas fait son travail correctement. De plus, il n’a pas su non plus offrir sécurité et construction de l’image de soi à l’enfant : perdu, sans repère face à une mère mal aimante et un père démissionnaire, il n’a plus que la haine au corps, ou plutôt en tête. Inconsciente, donc insidieuse, elle l’autorise du désir de baiser (terme employé par Soral) : baiser des femmes qui seront des substituts maternels sur lesquels il pourra se venger ; baiser aussi, au-delà de la mère, la structure parentale de la jeune fille, voire son milieu social car selon Soral, le dragueur a été plutôt enfanté dans un milieu culturel et économique défavorisé.

Le tragique de cette relation perverse tient à ce que le dragueur convoite, au-delà de la prise de possession du corps de sa victime, le côté maternel de cette dernière. Mais ce maternage se refuse par le simple fait que le dragueur projette quelque chose de trop négatif de lui-même. Ainsi en va-t-il de la bourgeoise pour laquelle le dragueur est un voyou avec lequel elle peut tromper une classe sociale dure et monolithique, ou de la jeune fille pour laquelle le dragueur incarne la figure paternelle devant lui permettre de sortir de sa situation familiale... Mais aussitôt que le dragueur croit avoir trouvé celle qui lui convient, il se confie et se dénude, révélant la part de fragilité l’habitant. Or, cela ne rate pas, la bourgeoise ne voit en lui qu’une passade et la  jeune fille recherche sa force et non sa faiblesse. Abandonné de toutes, il n’a plus que la femme de trente ans vers laquelle se tourner : elle a mûri, apprécié les difficultés de la vie, et réalise la position instable de sa séduction qui s’évanouira, elle le sait, avec le temps. Elle le console et l’aime, mais le drame tient à ce qu’elle le désire. Or, dans la représentation mentale du dragueur, la femme de trente ans doit se révéler comme la bonne mère qu’il n’a pas eu : son désir sexuel contredit cette relation fusionnelle tant convoitée. Et voilà notre dragueur « obligé » d’abandonner la femme capable de calmer sa souffrance.

Où l’on apprend que draguer ne consiste pas à séduire

Alain Soral émet une opposition intéressante entre séduction et drague. La séduction, il la fait remonter à Louis XIV et à Molière dont Dom Juan lui semble la pièce maîtresse : assimilant la séduction à un jeu dialectique entre la noblesse et la bourgeoisie, il estime que la séduction relève plutôt d’un rapport de classe, au sens marxiste du terme, que d’un travail de sensibilité affective… Le dragueur n’est donc pas séducteur : en ce sens les qualificatifs de beauté accolés au dom juan sont dévalorisés pour Soral. Car la beauté a une dimension plastique et donc de nature féminine. Or, la jeune fille n’étant pas née du ventre d’un père, elle n’a pas de lien fusionnel avec lui. Toutefois, elle assimile le père au concret, celui qui possède les moyens économiques et physiques de protéger sa famille. En ce sens, elle recherche un homme dont le visage possède du concret, marqué : bref, elle recherche une gueule, un physique, un être dont les rides ou les petits accidents physiques sont autant de preuves de sa force.

La drague est un sport de combat

A ce moment très précis, le livre déraille. Mais procédons pas ordre : Alain Soral révèle les techniques, ou disons plutôt le making of, la façon dont le dragueur doit se comporter pour réussir à baiser la femme ; oui, baiser, car n’oublions pas que nous sommes en train d’étudier un sujet pathologique pour lequel l’idée d’amour réciproque et totalement impossible comme le dit d’ailleurs l’auteur… On ne résumera pas la méthodologie développée par Soral, mais on la qualifiera d’ignoble. Ignoble en ce sens qu’elle réduit l’autre féminin à une mécanique réglée dont le fonctionnement dépend d’un certain nombre d’actions assimilables à un toucher de boutons. En gros, la femme est une machine à laquelle une action A de l’homme donne naissance à une réponse féminine A’. A condition de connaître le manuel, tout fonctionne au gré de l’homme. Or, premier vice de forme dans ce manuel, la confirmation évidente par l’auteur que les choses ne marchent pas forcément.

Dès lors, si elles ne fonctionnent pas systématiquement, comment l’expliquer ? A quoi peut être dû le fait qu’une technique de drague dont le mécanisme appelle un résultat automatique ne fonctionne justement pas de manière automatique ? La raison tient à ceci : à Alain Soral qui a pourtant lu les Ecrits de Jacques Lacan, on lui rétorquera qu’il a oublié une donnée importante du problème, à savoir le mystère du plaisir féminin. Si pour l’homme, sexe = coït (cela, l’auteur l’a parfaitement assimilé), pour la femme, le sexe, ce n’est pas tant le coït (qui joue son rôle, bien sûr) que la représentation et la mise en scène de cet acte à travers sa propre grille de fantasmes. En d’autres termes, pour reprendre une idée exprimée par Jacques-Alain Miller, la femme, si on la diffame/dit-femme tellement, cela tient à ce que l’expression de son plaisir a une dimension invisible, irrationnelle et donc mystérieuse et inquiétante. Soral semble (je me trompe peut-être) tomber dans le panneau en estimant que le moment essentiel du plaisir féminin c’est le moment de l’acte et son après. Oui pour l’après, mais pas forcément oui pour l’acte. Tout du moins l’acte tel que le décrit Soral : pour lui, l’homme va baiser la femme en la pénétrant et doit lui faire mal, condition essentielle pour compenser ce manque causée par son sexe (un trou) et pour lui imposer la force du père qu’elle poursuit… Or, que disions-nous plus haut ? Pour Alain Soral, la jeune fille n’étant pas née du ventre d’un père, elle n’a pas de lien fusionnel avec lui. Toutefois, elle assimile le père au concret, celui qui possède les moyens économiques et physiques de protéger sa famille. Voilà le hic faisant basculer son analyse : la femme n’a pas besoin du père, pourquoi aurait-elle donc besoin de se faire prendre et de souffrir ? Soral va alors tenter de se rattraper en revenant sur l’analyse oedipienne de la petite fille.

Cette dernière est en concurrence, explique-t-il, avec sa mère pour obtenir le père. Elle se retrouve donc en manque de père et en attente passive d’un homme qui la prendra. Mais Soral oublie de parler d’une chose essentielle ! Comme il le dit, le père, en s’immisçant entre le fils et la mère fait valoir au petit garçon l’idée que le monde n’est pas pur et fusionnel mais implique de combattre pour en obtenir des biens : l’effort s’impose. Alors, pourquoi ne pas avoir fait le même raisonnement sur la petite fille ? Cette dernière en comprenant que son père appartient à sa mère, elle doit donc en faire le deuil et apprendre que posséder l’homme sera donc un travail passant par une conquête personnelle Eh oui : la fille que Soral décrit n’a en réalité pas terminé son oedipe, ou plutôt son Electre !

Toutes des salopes

Dès lors, on comprend mieux que pour lui la jeune femme a pour lui un arrière fond de salope indécrottable : elle crie « non », mais pense « oui ». On connaît cette rengaine ô combien dangereuse. Si elle n’est certes pas totalement fausse, on ne peut pas non plus en faire un axiome. Et Soral de déraper alors : reconnaissant tout de même ce problème (à savoir que le désir féminin a une structure étrangère à celui de l’homme et que ce fameux « non » et ce fameux « oui » sont très incertains), il se retrouve presque (je dis bien presque) à justifier le viol comme un accident de parcours. Or, le viol ne peut pas être un accident : qu’importe nos propres opinions personnelles sur une femme, qu’importe qu’on estime que son « non » puisse se lire comme un « oui » : en cas de doute, il incombe à l’homme de préserver l’autre et de ne pas le réduire à un objet mécanique destiné à satisfaire son désir. Car s’il commet ce crime, il entame un mouvement d’écrou entraînant une cassure du pacte sociale liant les individus ; d’où ce jugement de Freud : tout acte transgressif doit être d’autant plus puni que sa transgression s’avère importante, en cela que son caractère subversif constitue un appel attractif pour tous.

Et Soral de tenter d’aller plus loin en expliquant que la femme est une conne. Une conne obligatoire, prévisible, parce que sa structure de pensée a été malmenée par son oedipe. Or, nous l’avons vu, sa vision de l’oedipe féminin pêche. Sauf à considérer qu’il y a, de fait, une inégalité du développement psychologique homme/femme, son jugement ne peut être reçu. Pour justifier son idée (ce qui est tout à son honneur : au moins prend-t-il le risque de développer sa pensée), il prend deux exemples très intéressants : un texte de Hanna Harendt tiré des Origines du totalitarisme et un de Elisabeth Badinter tiré de XY. Avec ces deux textes, il entend démontrer la faiblesse de l’argumentation féminine.

Commençons par le texte de Harendt : Soral, précisons le, ne reprend pas la totalité du texte. Ignorant cet écrit de Harendt, je ne peux donc juger de ce que le texte complet dit : dans cet extrait, Harendt assimile la population à une masse donc le régime totalitaire peut faire ce qu’il veut en l’entraînant dans un mouvement perpétuel. Soral dénonce un texte totalement biaisé et fasciste, critiquant le fait de considérer la foule comme une masse malléable. Il semble, la bibliographie de fin de tome le laisse supposer, qu’il na jamais lu Gustave Lebon et sa Psychologie des foules, livre de chevet d’Adolph Hitler (cela suffit à en souligner l’importance). Pour Harendt, comme chez Lebon, la foule a une dimension féminine : elle se fait posséder et prendre par le dictateur qui la domine ; chez Lebon, la foule se fait posséder par la somme de pulsions constituées par les individus constituant la foule. Bizarrement, Soral ne voit absolument pas cette analogie pourtant criante dans le texte de Harendt et récuse le fait qu’un foule soit justement féminine ! Concernant Badinter, cette dernière explique que l’époque des Lumières marque une féminisation des jeunes nobles à laquelle la révolution française met fin. Soral reproche à Badinter de résumer la philosophie des Lumières à une dimension féminine. Mais s’il s’agit de la problématique de Badinter, cela se justifie : elle a le droit de chercher dans les lumières les éléments propices à une réflexion globale sur la féminisation de l’homme. Soral ensuite lui reproche de parler de nobles, soit en terme numérique des ultra- minoritaires, en regard par exemple d’un paysan dont la mentalité n’a guère changé depuis le Moyen Age. Quel aveu ! Soral ne réalise pas qu’il tend le bâton pour se faire battre : tout mouvement culturel a par essence été motivé et mis en branle par une élite, forcément minoritaire puisque élite : croit-il sincèrement que le paysan du Poitou soit un modèle civique et évolué ? Pense-t-il que la révolution des esprits se fasse par le bas ? La révolution française n’a-t-elle pas été un formidable coup de dague portée contre l’Ancien Régime par la bourgeoisie qui est à ce moment là l’élite économique (et pas du tout minoritaire, soit dit en passant) ? Nietzsche ne voit-il pas d’ailleurs dans les Lumières une dimension féminine ? Mais pour Soral le drame se joue là : l’école de la pensée étant masculine, le féminin constitue une régression. Son mépris du pédé (terme employé par Soral) affiché tout au long du livre constitue un aveu : quand on méprise, et lorsque l’on hait quelque chose, une classe ou quelqu’un, c’est indubitablement parce qu’on s’y reconnaît ou on craint de s’y reconnaître. La grande peur de Soral : se féminiser et perdre ses repères de force, de lecture et de mise en branle du Monde… Ces deux exemples valident, selon lui, la connerie féminine.

Du coup, pour lui, les femmes ne pensent pas ; si elles le font, si elles agissent sur le Monde les entourant, il faut en accuser leur oedipe raté. Ainsi, une femme ayant du pouvoir et des capacités masculines serait donc une femme qui a déchu de son statut de femme la limitant à faire des enfants, à décorer son intérieur et se faire prendre… Oui, car pour Soral, si le garçon a dû tuer symboliquement le père pour se construire, la petite fille n’a jamais eu à en passer par là. Donc toute fille serait très respectueuse de ses géniteurs dont elle ne remettrait jamais en cause les volontés ? N’a-t-il jamais vu quelle violence peut confronter une fille à sa mère ? (Pour ceux voulant plus de détails sur le complexe d’Electre, pendant féminin d’Œdipe, voire ici , ici et ici : comme l’a écrit Jacques-Alain Miller, la pensée freudienne doit être updatée: il y a de quoi se poser des questions de voir un auteur écrire de nos jours une théorie basée sur la mentalité hyper étriquée du XIXème siècle, période de régression du statut de la fémme, et durant laquelle la question de la sexualité de la femme confine à la peur). Cet antagonisme structure la pensée de la jeune fille, l’autorisant à se construire comme entité indépendante de sa mère, donc libre de choisir un autre homme que son père. Soral rétorquerait alors que la jeune fille recherche un père symbolique, un homme qui lui évoque son père. Soit. Mais quid de l’homme ? Pour Carl Gustave Jung, les hommes se marient systématiquement avec des femmes étant le reflet physique de leur mère. En quoi y a-t-il donc supériorité de l’homme ? Ce dernier recherche sa maman, et la fille son père : parité du fatalisme de la naissance… Et puis, toujours selon Soral, la femme est cruelle, fourbe, elle déteste les autres femmes, elle ne connaît pas la solidarité féminine, elle devient hystérique si son homme la quitte. Hum… Ne remarque-t-il pas que l’on puisse inverser toutes ces affirmations en restant dans le vrai ? Les exemples et les contre exemples affluent : sur quoi se base-t-il pour affirmer tout cela ? Il n’y a aucune donnée chiffrée et aucune référence bibliographique venant justifier sa réflexion. Il n’y a là qu’opinion et point de vue, aucunement de l’objectif : au passage, il fait exactement là ce qu’il reproche aux femmes.

Où il est encore question de féminisme

On en arrive alors à un développement intéressant, la remise en cause du féminisme. Les arguments d’Alain Soral sont que la femme n’a jamais rien produit de culturellement important. Les féministes rétorquent que l’homme a censuré la femme, ce qui l’expliquerait. Mais Soral souligne que l’homme a lui aussi été confronté à l’homme pour exister et créer et menacer de censure : de fait, cela ne constitue pas un argument. Il note d’ailleurs que le premier dessin préhistorique dans les cavernes a été signé par la main de l’homme et non pas une femme : à cela, on demandera à l’auteur de bien vouloir donner ses sources. Car, il n’y a pas la moindre trace dans sa bibliographie d’ouvrages prouvant cette assertion ou parlant de l’histoire des femmes de la préhistoire à nos jours. Sur quoi donc se base-t-il pour évaluer la création féminine ? De plus, il oublie une donnée importante : nombre de femmes, dès le Moyen Age et encore plus durant la Renaissance ont été des mécènes importantes des arts, voire des auteurs remarqués, comme Catherine de Médicis ou la reine Margot, toutes deux chantées et louées par des esprits aussi éclairés que Montaigne.

Ensuite, Soral étudie deux discours du féminisme : celui de Simone de Beauvoir et d’Elisabeth Badinter. Avec pertinence, il souligne que ces deux discours correspondent à deux points de vue contradictoires : de Beauvoir déplore le fonctionnement du corps féminin handicapant la femme dans la recherche d’une force ou d’une liberté masculine et Badinter loue au contraire la femme, sa féminité dont elle se doit d’être fier. Pour le coup, notre penseur a raison de noter que la femme n’est pas unique et donc pas réductible à un Tout Un (idée défendue par Jacques Lacan). Ceci ne l’empêche hélas pas de faire l’exact contraire en caractérisant TOUTES les femmes comme des idiotes, médiocres à tous les niveaux artistiques, sauf pour la danse et dont le réel but et la réelle plénitude se situe dans la maternité et l’éducation des enfants.

Pour lui, le travail féminin tient d’un mensonge féministe puisque la femme se trouve moins payée, pas propriétaire de son entreprise (alors qu’elle l’est de sa famille) et subit la double journée de travail (à savoir qu’elle travaille durant la journée et doit gérer sa famille le soir). Oui, mais tout cela s’applique aussi aux hommes ! Mis à part la question du salaire, certains hommes trimeront toute leur vie sans être propriétaire de l’entreprise où il travaille. Et ils ne le regrettent pas. Pourquoi les femmes le déploreraient-elles ? Qui plus, quelle idée est-ce là d’assimiler la structure familiale à une entreprise ? En quoi la femme la posséderait d’ailleurs plus sûrement que l’homme ?

Plus intéressant, toutefois, son analyse des magazines féminins et de l’image que les femmes se renvoient d’elles mêmes : elle choque, et il a raison de le souligner, par sa médiocrité. Mais toutes les femmes en sont-elles réellement dupes ? Alain Soral a-t-il étudié la réception des discours de magazine féminin ? A-t-il pratiqué l’enquête d’opinion pour juger de la manière dont une femme se comprend à travers la presse féminine ? Et contrairement à ce qu’il croit, les femmes ne lisent pas que des magazines féminins et peuvent bricoler. On en conviendra, les bricoleuses sont rares. Mais les pères sachant « torcher les fesses » de leurs mômes sont-ils plus nombreux ? Les hommes passant leurs soirées aux fourneaux ? Simple division des tâches ! Quand une femme doit faire ce que les hommes font, ma propre expérience me prouve qu’elles y arrivent. A contrario, je n’ai jamais vu un homme tenter le coup du travail féminin… Quant à l’avis de Soral, estimant que les femmes sont stupides, on se demande là encore sur quelles preuves scientifiques fixant et prouvant l’inégalité hommes/femmes il se base. Ce qu’il surligne tient en effet plus à une déficience culturelle, une dévalorisation institutionnalisée de la femme qu’à une réelle médiocrité typiquement féminine dont le fondement serait bien obscur.

La domination des classes par la féminisation du monde

S’en suit alors un passionnant chapitre sur la perte des repères de la société : selon Soral, et pour faire court (car ce chapitre est fort complexe) : la féminisation a perverti toute notion de travail et d’effort pour remplacer ces valeurs par le désir de consommer. Et la faute de tout cela tient d’ailleurs au freudisme, médecine pour petits bourgeois auxquels on a appris à ne pas céder sur son désir. Amusant, dans la mesure où justement Soral se base sur Freud pour pondre tout son raisonnement sur l’oedipe féminin et masculin. Mais enfin, à l’exception du fait que les prémisses du raisonnement me paraissent infondées, pour les raisons développées plus haut, l’analyse de la société de consommation perverse et de son remplacement des valeurs morales et humaines par des artefacts de bonheur que sont les biens matériels ou encore la pornographie publicitaire sont très justes.

Hélas, le livre se termine sur un chapitre censément consacré à l’amour mais qui se lit comme un traité de désespoir. Soral semble regretter que l’amour n’existe pas ; que tout mariage peut se voir comme une forme de prostitution légale ; que la séduction de la femme se réduit à une domination esthétique manipulatrice et que le plaisir de l’homme est trop bref pour mériter tant de fatigue d’où le recours aux putes, moyen essentiel et parfait pour ne pas manquer de respect à son épouse. Seul reste digne le dragueur, figure du rebelle qui, lui, a compris que les femmes voulaient juste « se faire fourrer » (Soral) : il s’y emploie brillamment en leur faisant mal, afin de mieux baiser la société, accomplissant un acte doublement transgressif en cela qu’il consomme le signifiant sexuel de la publicité sans payer pour l’objet. Effectivement, on ne peut que se sentir admiratif ! Si seulement nous pouvions tous être comme lui…

Triste analyse

Si on récapitule ce que l’on aura retenu de son livre, on constate que pour Alain Soral la déchéance de notre société est due aux femmes qui ont contaminé notre monde par la psychanalyse. Les femmes n’ont jamais rien créé ou imaginé quelque chose qui fut utile au cours des siècles ; pourtant, en restant purement passives, elles ont quand même réussi à déviriliser le monde : pas mal ! Stupides, faibles, elles sont destinées à faire des enfants à leurs maris et les élever. Elles ne doivent réclamer aucune attention de la part de ce dernier : en tant qu’homme, il a la maîtrise du savoir, de la culture et de la force physique pouvant transformer les choses.

Le dragueur incarne la figure de celui qui a compris la femme : puisque sa mère l’a mal aimé, suite à ce que l’on vient de constater, il a décidé de punir les femmes en les baisant violemment. Ce faisant, il rend la justice tel le bourreau moyenâgeux : la violence qu’il leur fait subir renvoie chaque femme à sa dimension méprisable et avilissante d’où elle doit sortir en abandonnant tout désir de travailler, toute volonté de produire et créer, et se contenter de donner naissance à des enfants, de les élever d’un amour pur et de laisser leurs maris dire la dureté d’un monde auquel le garçon devra se préparer pour travailler et produire. Merci monsieur Soral pour cette brillante analyse de la dérive de notre société…

Editions Blanche, 15 euros.

Et pour lire une "réponse" à ce type de littérature pamphlétaire de mâles en mal d'érection, je vous invite à lire l'excellente diatribe du site Seringa sur le sujet.

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Commentaires
C
merci beaucoup pour cette contre analyse,très grinçante, un vrai plaisir de voir alain soral mouché
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E
Je précise que j'ai cité comme exemple le moins pertinent ...mais regardez -enfin pour ceux qui savent le faire...- c'est comme ça tout au long du texte, je précise aussi que c'est très bien écrit par contre, la forme plutôt que le fond en somme
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E
Très mauvaise argumentation, vous partez du texte de Soral pour interpréter à votre sauce et après vous concluez en fonction de votre interprétation erronée, bref c'est dommage ça aurait pu être intéressant mais là c'est juste médiocre.<br /> Un exemple vous écrivez Les femmes n’ont jamais rien créé ou imaginé quelque chose qui fut utile au cours des siècles ; pourtant, en restant purement passives, elles ont quand même réussi à déviriliser le monde : pas mal !mais quand vous dites elles sont restées passives, c´est faux et Soral ne dis ni ne pense cela donc au lieu de penser à la place de Soral, ça serait mieux de s'en tenir à ce qu'il dit vraiment ... A la fin, on se demande si la vérité vous intéresse ou si vous préférez juste faire semblant de contre-argumenter point par point cet ouvrage en amenant des choses fausses pour donner plus de poids à votre argumentation ... Bref, contre-argumenter point par point ce n'est pas cela faut le savoir mais si vraiment vous pensez que vous l'avez fait c'est vraiment triste...Cordialement
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B
la blog!
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R
j'ai cru reconnaitre le portrait craché d'un collègue de travail ... très bonne analyse ...
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