Le crépuscule des idoles de Nietzsche
Philosopher à coup de marteaux, à quoi cela sert-il ? Pour Friedrich Nietzsche, à briser des idoles. Elles portent plusieurs noms, ces étranges choses que l’on adore, et d’ailleurs on ne s’autorise pas à les qualifier de fausses divinités. Elles nous paraissent certitudes ; tellement, que jamais on ne penserait à les remettre en cause. Ces idoles sont : morale, raison, bonnes pensées, gravité…
Ce livre, disons-le, choquera : Nietzsche y entreprend de rompre avec toutes les valeurs grecques socratiques et platonicienne. Il ne voit dans les pères de la philosophie contemporaine que d’insupportables fossoyeurs du corps, des donneurs de leçons obsédés par des arrières mondes, des mystificateurs sans valeurs… L’enivrement, l’enivrement dionysiaque des sens, voilà ce qui compte aux yeux du philosophe à moustache. D’où ses maximes cinglantes comme des gifles, d’où son procès de Socrate, impitoyable. D’où ses réflexions d’un inactuel dans lesquelles il se fait tantôt réactionnaire, et tantôt d’une modernité étonnante.
Mais malheureusement, la lecture de livre est entachée par un style fouillis, une prose trop virulente, et sans argumentation. Nietzsche lance ses vérités sans jamais chercher à se justifier et à argumenter. Ses références semblent parfois obscures, pour ne pas dire douteuses, lorsqu’il parle de Socrate ou de Dionysos. On le sent pressé d’en finir avec tout : son orgueil se fait ressentir à chacun de ses mots. Tout en lui parle le supérieur. « Moi, je ! Moi, je ! », claironne-t-il à qui mieux mieux.
Oui, lire le Crépuscule des idoles est vivifiant, mais le livre souffre de trop de carences. Sans aucun doute il est nécessaire de déjà connaître la pensée de Nietzsche, d’avoir lu d’autres ouvrages de lui auparavant… Reste néanmoins des roulements de tonnerre sur papier qui font franchement sursauter.
Gallimard, 5,10 euros.