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Le blog de Menon
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21 novembre 2006

Le crépuscule des idoles de Nietzsche

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Philosopher à coup de marteaux, à quoi cela sert-il ? Pour Friedrich Nietzsche, à briser des idoles. Elles portent plusieurs noms, ces étranges choses que l’on adore, et d’ailleurs on ne s’autorise pas à les qualifier de fausses divinités. Elles nous paraissent certitudes ; tellement, que jamais on ne penserait à les remettre en cause. Ces idoles sont : morale, raison, bonnes pensées, gravité…

Ce livre, disons-le, choquera : Nietzsche y entreprend de rompre avec toutes les valeurs grecques socratiques et platonicienne. Il ne voit dans les pères de la philosophie contemporaine que d’insupportables fossoyeurs du corps, des donneurs de leçons obsédés par des arrières mondes, des mystificateurs sans valeurs… L’enivrement, l’enivrement dionysiaque des sens, voilà ce qui compte aux yeux du philosophe à moustache. D’où ses maximes cinglantes comme des gifles, d’où son procès de Socrate, impitoyable. D’où ses réflexions d’un inactuel dans lesquelles il se fait tantôt réactionnaire, et tantôt d’une modernité étonnante.

Mais malheureusement, la lecture de livre est entachée par un style fouillis, une prose trop virulente, et sans argumentation. Nietzsche lance ses vérités sans jamais chercher à se justifier et à argumenter. Ses références semblent parfois obscures, pour ne pas dire douteuses, lorsqu’il parle de Socrate ou de Dionysos. On le sent pressé d’en finir avec tout : son orgueil se fait ressentir à chacun de ses mots. Tout en lui parle le supérieur. « Moi, je ! Moi, je ! », claironne-t-il à qui mieux mieux.

Oui, lire le Crépuscule des idoles est vivifiant, mais le livre souffre de trop de carences. Sans aucun doute il est nécessaire de déjà connaître la pensée de Nietzsche, d’avoir lu d’autres ouvrages de lui auparavant… Reste néanmoins des roulements de tonnerre sur papier qui font franchement sursauter.

Gallimard, 5,10 euros.

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Commentaires
M
Merci de votre mise en garde !
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J
Attention, chez Nietzsche la mégalomanie est toujours contrebalancée par une véritable et profonde humilité. La difficulté d'une lecture de Nietzsche tient en ce qu'il passe de manière insensible de la critique, au cynisme, à l'auto-dérision etc. Voir par exemple l'humilité extrême des dernières lignes d'Aurore :<br /> <br /> «Tout ces hardis oiseaux qui s'envolent vers des espaces lointains, toujours plus lointains, - il viendra certainement un moment où ils ne pourront aller plus loin, où ils se percheront sur un mât ou sur quelque aride récif - bien heureux encore de trouver ce misérable asile ! Mais qui aurait le droit d'en conclure qu'il n'y a plus devant eux une voie libre et sans fin et qu'ils ont volé aussi loin qu'on peut voler? Pourtant, tous nos grands maîtres et tous nos précurseurs ont fini par s'arrêter, et quand la fatigue s'arrête elle ne prend pas les attitudes les plus nobles et les plus gracieuses: il en sera ainsi de toi et de moi ! Mais qu'importe de toi et de moi ! D'autres oiseaux voleront plus loin!»
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M
Je pense que vous généralisez à partir de passages qui ont choqué votre sensibilité. On retient plus facilement ce qui choque, mais ainsi, on ne voit pas le reste. Le reste, ce sont les nombreuses formules hypothétiques employées par Nietzsce. <br /> <br /> Exemples :<br /> <br /> *Exemple de formes hypothétiques interrogatives :<br /> <br /> "Peut-être n’étaient-ils plus, tant qu’ils sont, fermes sur leurs jambes, peut-être étaient-ils en retard, chancelants, décadents peut-être ?"<br /> <br /> *Exemple de désir de contradiction :<br /> <br /> "On me sera reconnaissant de condenser en quatre thèses, une idée si importante et si nouvelle : je facilite ainsi la compréhension, je provoque ainsi la contradiction."<br /> <br /> *Exemple d'éloge de la diversité dans les conceptions de l'homme :<br /> <br /> "Considérons enfin quelle naïveté il y a à dire : « L’homme devrait être fait de telle manière ! » La réalité nous montre une merveilleuse richesse de types, une exubérance dans la variété et dans la profusion des formes : et n’importe quel pitoyable moraliste des carrefours viendrait nous dire : « Non ! l’homme devrait être fait autrement » ?"<br /> <br /> Et dans le reste du texte, ainsi que dans toutes les oeuvres, ce genre de choses (formule hypothétique, appel à la contradiction et éloge de la différence) est omniprésente. Ce que résume très bien un fragment posthume (je n'en ai pas cependant la référence) :<br /> <br /> "Il n'y a pas d'interprétation seule béatifiante".<br /> <br /> Cordialement
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M
Hum... il faudrait que je retrouve le passage en question qui a évoqué cela chez moi... Concernant le "Moi, je... Moi, je !", désolé, mais tout transpire dans ce livre la satisfaction et en premier lieu celle de savoir mieux que tout le monde, de comprendre, et d'être capable de voir réellement tout ce qui est, pour autrui, pure illusion.
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M
Bonjour,<br /> <br /> Dans ce livre, je trouve que Nietzsche a un style concis, drôle et argument (voyez par le résumé de ses arguments au chapitre sur la "raison" dans la philosophie).<br /> <br /> Sinon, je n'ai pas lu de « Moi, je ! Moi, je ! » dans ce livre.<br /> <br /> Votre lecture vient peut-être d'une erreur d'interprétation dès le départ, car vous dites :<br /> <br /> « Philosopher à coup de marteaux, à quoi cela sert-il ? Pour Friedrich Nietzsche, à briser des idoles. »<br /> <br /> Nietzsche est bien moins brutal dans le maniement du marteau que vous ne semblez le supposer, puisqu'il écrit, page 1 :<br /> <br /> « Poser ici des questions avec le marteau et entendre peut-être comme réponse ce fameux son creux qui parle d’entrailles gonflées — quel ravissement pour quelqu’un qui, derrière les oreilles, possède d’autres oreilles encore, — pour moi, vieux psychologue et attrapeur de rats qui arrive à faire parler ce qui justement voudrait rester muet... »<br /> <br /> et :<br /> <br /> « ... des idoles éternelles que l’on touche ici du marteau comme on ferait d’un diapason... »<br /> <br /> Cordialement
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