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Le blog de Menon
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10 avril 2006

L'Evangile de Marie

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http://www.livres-mystiques.com/partietextes/Apocryphes/marie.html : le texte complet de l'Evangile

L’Evangile de Marie présente Myriam de Magdala comme une disciple initiée par Jésus à des mystères non connus des autres disciples. Il s’agit bien sûr d’un Evangile gnostique, mais on y découvre des choses assez surprenantes.

Pour commencer, sa date d’écriture permet de faire remonter le premier manuscrit dont le texte copte est originaire au Ier siècle, donc le constituant comme un des textes primitif du christianisme naissant.

L’annonce faites aux disciples
Plus intéressant encore, les thématiques abordées. Ainsi, dans les premiers fragments qui nous sont parvenus, Jésus parle à tous ses disciples et tient un double discours qui n’est pas sans évoquer la philosophie épicurienne et stoïcienne. Ainsi, il commence en précisant que le monde qui nous entoure est mortel, destiné à la destruction, comme nous tous : voilà ce que dit Epicure en parlant de la mort, inévitable, à laquelle il ne faut pas trop faire attention car elle sera un aboutissement impossible à éviter. Jésus explique aussi que le pêché n’est pas naturel, mais qu’il est création de l’Homme, à chaque fois que ce dernier se donne des lois, c'est-à-dire entreprends de définir ce qui est bien de ce qui ne l’est pas, ce qui est pur de ce qui ne l’est pas… De manière assez fascinante, Leloup crée un parallèle entre ce discours de Jésus et celui de Paul dans son épître au romain et on constate une parfaite adéquation de termes employés entre ceux de Jésus et ceux de Paul en ce qui concerne les lois. De fait, la fiabilité des sources de Paul étant ce qu’elle est, on peut donc considérer les propos tenus par Jésus avec beaucoup d’intérêt.

Pour la partie stoïcienne, Jésus explique que l’attachement que l’on a aux choses du monde est cause de notre souffrance : on reconnaît là la thématique du fameux « ce qui dépends de nous » et « ce qui ne dépends pas de nous » : l’Homme se condamne à la souffrance, à chaque fois qu’il entreprends de dépendre de choses évanescentes et incertaines.

Ensuite, Jésus annonce le Royaume de Dieu et encourage ses disciples à se méfier de ceux qui prétendront savoir où Jésus se trouve. Là encore, on constate la similitude indubitable entre ses propos et ceux tirés des Evangiles classiques. On constate donc que cet Evangile de Marie est bien une source essentielle, puisque antérieur aux autres Evangiles et comprenant des paroles qu’on y retrouvera !

Pour lui, Dieu est dans le cœur de chacun d’entre nous. On retrouve là une idée forte des Evangiles qui est que l’Homme peut s’élever, grandir, non en terme d’ego, mais en terme de sagesse et d’Amour. C’est une idée d’autant plus essentielle qu’elle insiste sur le fait que l’Homme ne doit pas s’en vouloir d’être fait chair, mais au contraire se féliciter d’exister ; qui plus est, cette affirmation insiste sur le fait que l’Eglise n’est qu’un moyen parmi d’autres pour trouver cette élévation. S’en suit un deuxième commandement classique là aussi, celui de se lever et d’aller prêcher l’Evangile : la rencontre avec l’autre comme lieu de réverbération de la parole ; parole lancée qui ne tombe pas, mais trouve dans l’interlocuteur le reflet à sa propre compréhension et aussi permet le partage, le groupement de la communauté, non plus fondée sur l’intérêt ou la race, mais sur l’espérance, ce qui permet de sortir du communautarisme sans nier l’existence du groupe, réuni ici sous une idée de l’éthique, et plus de cohésion politique.

Jésus affirme qu’aucune règle ne doit être ajoutée à la Thora, un thème là aussi récurrent dans les Evangiles et qui permet à Leloup de proposer une nouvelle lecture du décalogue qu’il envisage sous la lecture du « Tu peux », plutôt que du « Tu dois ». Cette idée n’est pas sans intérêt puisque si on « ne doit pas », cela signifie de fait que « l’on peut »…

Lorsque Myriam prend la parole
Puis, Jésus quitte ses disciples (épisode post-résurrection) et laisse ces derniers dans une grande affliction, mais surtout dans la peur. Peur d’aller évangéliser et incertitude sur la façon de procéder. Cela révèle la division les habitant et le fait qu’ils n’ont pas encore fait leurs les paroles de Jésus. C’est alors que Myriam se lève, les consolent, et que Pierre lui demande de lui révéler les paroles secrètes que lui a donné Jésus. Cet enseignement concerne l’explication de ce qui a permis à Myriam de voir Jésus ressuscité.

Tout tourne autour de la question du noùs qui est « la fine pointe de l’âme » et que Leloup s’échine à définir, puisqu’il ne s’agit ni du souffle Saint (le pneuma), ni de l’âme (la psyché). S’en suit une longue étude de laquelle on retiendra que le noùs semble (il manque des fragments !) être l’intercesseur entre l’esprit humain et l’Esprit Saint. Plus fort encore, Leloup entend affirmer ainsi que Jésus ressuscité n’était pas fait de chair, mais qu’il était une image, une production de l’imaginaire induite par une mise en corrélation de connaissances de Myriam. Pour appuyer sa thèse, il cite la conception de l’imaginaire chez Kant (rapprochement troublant, il faut bien le reconnaître), puis l’analyse de Heidegger. Et il faut dire que si on y réfléchit, cela fait sens dans la mesure où, si Jésus est redevenu homme, fait de chair, pourquoi aurait-il dit à Myriam dans l'Evangile de Jean de ne pas le toucher. Ainsi, on entendrait dans cette remarque la demande de Jésus de ne pas se laisser réduire à un matériel, mais de rester une production de l’imagination passé à une étape objective. Cela est bien évidemment assez complexe à restituer et, reconnaissons-le, anecdotique dans la mesure ou nous manquons des explications suivantes.

Manque alors un certain nombre de pages qui nous amène au passage durant lequel Jésus fait voir à Myriam le cheminement spirituel des âmes : où l’on découvre que Myriam connaît le chemin pour se défaire de tous les pêchés de l’âme, de tout ce qui empêche la psyché du noùs. Ce passage est très longuement commenté par Leloup qui montre avec une certaine pertinence que l’on assiste là à un traité de psychologie apprenant à se défaire des mauvaises habitudes de l’ego pour apprendre à entendre et voir le Vrai. On sera tout aussi surpris de constater que les propos de Myriam rejoignent une fois de plus ceux de Paul de Tarse ! A tel point qu’on est en droit de se demander qui a copié sur l’autre. Mais l’esprit étant plus présent que les mots, il semble bien qu’il y ait un discours commun aux deux Saints et que ce discours soit témoin du premier fond du christianisme. Mais cela impliquerait un Paul gnostique ? Une telle idée, absurde, invite à relativiser le caractère gnostique de Marie ou alors, il s’agirait de définir un gnosticisme qui ne fût pas commun aux délires de certaines communautés inventant de nouveaux « dieu » à la Thora.

A l’énoncé des paroles de Myriam, André et Pierre se désolidarisent d’elle et remettent en question l’honnêteté de son témoignage. On notera la façon intéressante de faire basculer le texte du traité spirituel au récit romanesque. Myriam pleure et Lévi entre en scène ramener tous les apôtres à la raison. Leloup rappelle les apparitions de Lévi dans les Evangiles, mais oublie très curieusement d’évoquer le fait qu’il porte le nom de la tribu d’Israël la plus élue de Dieu. Sans doute pas un effet du hasard…

Les apôtres se lèvent alors tous ensembles et vont prêcher l’Evangile. Encore une fin surprenante, dans la mesure où, pour la première fois, un texte spirituel se termine sur une sorte de « à suivre » et sur l’idée que les paroles tenues vont rapidement être mises en pratiques.

Albin Michel, 7,50 euros.

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