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Le blog de Menon
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21 mars 2006

Une femme innombrable de Jean-Yves Leloup

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« Il s’agit de cette fiction dont Lacan nous enseigne qu’elle est la structure même de la réalité » : voilà comment, en paraphrasant Hubert Lisandre, pourrait-t-on faire entendre la volonté de Jean-Yves Leloup à l’épreuve dans ce livre.

De Marie-Madeleine, on croit tout ignorer, mais c’est faux. Lorsqu’on lit, on ne voit pas réellement les choses, à moins de les étudier. Dans les Evangiles principaux, ainsi que dans les apocryphes, on trouve des traces qui mis en corrélation sont autant d’indices de ce que les apôtres nous disent d’elle.

Qu’on ne se trompe pas : si Marie-Madeleine, ou plutôt Myriam de Magdala – son nom juif, est « une femme innombrable », c’est bien parce qu’à l’origine Myriam est fragmentée en trois femmes différentes : une pécheresse repentie, une femme riche présente au pied de la croix, et enfin la sœur de Marthe et de Lazare. Fragment d’une femme : est-elle ces trois là ou bien ces trois là représentent-elles trois femmes à trois étapes différentes.

Leloup relève, à ce sujet, pas moins de 12 stades par lesquels Myriam passe dans les Evangiles. 12 ! Pas mal pour une femme dont on ignore tout ou presque.

Leloup connaît Lacan, et avec certitudes on peut estimer qu’il a fait sien son avis sur la fiction. Lacan aimait l’idée que dans la littérature se cachait la vérité. Le meurtre du Père dans Totem et Tabou était pour lui « le dernier mythe de notre siècle ». James Joyce lui servit de modèle pour son 23e séminaire, celui sur le Sinthome, dans lequel, renouant avec l’Académie d’Athènes, il dispensa un enseignement dans lequel se mêla philosophie et psychanalyse – un enseignement ésotérique, proche de la révélation, puisqu’il avait découvert dans le nœud borroméen la structure même de la folie de tout Homme.

Mais je m’égare. Ici, Leloup entreprends une plongée onirique dans la vie de Myriam. Il lui invente une éducation, une servante, des débauches. Avec intelligence, il la lie à la cours du roi Hérode, là où elle devait probablement avoir eu sa place… Puis, délaissant la fiction, il entreprend de décrypter la force du message de Jésus à travers les liens les unissant. La scène durant laquelle elle lui oint le crâne d’huile ou lui lave les pieds de parfums sont autant de moment dans lesquels la parole du Christ, en apparence anodine, dit pourtant quelque chose de vrai.

Il mène sa barque jusqu’au moment de la résurrection, nous faisant entrevoir cette scène fondamentale sous un autre jour : « Le Christianisme est né de l’imagination d’une femme », disait Ernest Renan. Et Leloup d’acquiescer : oui, en cela, puisque Myriam est le premier témoin de la résurrection du Christ. En ce sens, c’est bien une femme qui « croit » à l’impossible. De là à se demander si l’impossible a été possible, si le corps était vraiment là où déjà ailleurs… N’était-il pas plutôt une révélation qu’ils se sont fait à eux-mêmes ? (Oui, je dis « Ils », car Leloup omets de rappeler que Jésus se présenta aussi à des voyageurs et à ses apôtres.)

Le livre se termine par un florilège de citation des Evangiles et des apocryphes dans lesquels il souligne la présence d’une Myriam, discrète certes, mais finalement bien plus importante qu’on ne le croit. Et de rappeler cette citation tirée de Matthieu que j’avais occulté : après que Myriam ait baigné les pieds de Jésus, ce dernier dit :

« En vérité je vous le dis

Partout où sera proclamé

L’Evangile dans le monde entier,

On redira aussi à sa mémoire

Ce qu’elle a fait »

(Matthieu 26, 13.)

Albin Michel, 16 euros.

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Commentaires
M
Si vous avez lu "L'absurde et la grâce" de Leloup, vous aurez appris la terreur que sa mère, plus intellectuelle qu'affective, lui inspirait (à tort ou à raison) : clairement, elle le dominait selon lui. Ainsi on le voit mépriser plus bas que terre Myriam, femme forte et non soumise à l'homme, comme l'était sa mère. Quand on connaît un peu la psychanalyse, on voit ici que Leloup "avilit" sa propre mère, par le biais de cette projection sur Myriam : c'est une forme de revanche inconsciente, une façon de la faire payer. C'est pourquoi c'est si violent et non maîtrisé, "too much", comme toujours quand l'Ombre s'exprime.<br /> <br /> <br /> <br /> Déjà dans "Marie-Madeleine à la Sainte Baume", il la faisait ramper nue dans la forêt, les branchages lui griffaient la peau. Elle n'avait plus de nez, c'était un muffle, un groin (sic) avec lequel elle reniflait le sol pour trouver des champignons...<br /> <br /> <br /> <br /> Après, il est "soulagé" de cette tension psychique, et il s'apaise : la femme qui gît par terre va être relevée par "l'homme" Jésus (pas toute seule bien sûr) et de pécheresse elle va devenir initiée. Leloup s'est soulagé et tout le monde applaudit.
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M
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Oui, on parle bien du même livre (mon édition ISBN 978-2-226-19121-2, volume B).<br /> <br /> <br /> <br /> Page 53 : "Elle vomissait, se roulait dans son vomi, y plongeait les lèvres." Plus bas sur la même page : "La robe défaite, allongée dans ses glaires, tenant à la bouche un quelconque substitut de sein maternel (etc)".<br /> <br /> <br /> <br /> Page 54 : "Le sexe de l'homme, le sein de la femme, le bois d'un meuble, le pelage d'un animal, lorsqu'elle était possédée par ses pulsions, Myriam ne faisait guère de différence (etc)".<br /> <br /> <br /> <br /> Page 55 : "Elle se réveillait de ses nuits échevelées, la bouche amère, le regard éteint, les hommes, les femmes, les enfants, les animaux, plus ou moins avachis par de mauvais alcools, dormaient à ses côtés dans un lit de cendres."<br /> <br /> <br /> <br /> Page 57 : "Des pieds à la tête, elle criait, elle pleurait, (etc)"<br /> <br /> <br /> <br /> Page 58 : "C'est Sarah, sa fidèle servante et amie, qui recevait les coups et les injures."<br /> <br /> <br /> <br /> *******<br /> <br /> <br /> <br /> Même s'il utilise l'argument "roman", rien mais vraiment rien ne justifie un tel mépris et une telle diffamation envers cette femme universelle, sinon, comme je l'ai écrit plus haut, une misogynie refoulée qui sort à flots, sans plus de contrôle, un peu comme l'Ombre en psychanalyse...
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M
Etes-vous sûr que l'on parle du même livre ? Je l'ai relu il y a sans doute de cela un an et les scènes dont vous parlez ne me disent rien. Est-ce quand elle est possédée par ses sept démons ? Merci de votre retour.
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M
Un "roman" qui est un tel délire qu'il m'a incitée à créer un blog pour rétablir la vérité sur Marie-Madeleine ! Car lire que Marie-Madeleine patauge dans son vomi, qu'elle tape sur sa servante parce que le repas n'est pas prêt ou qu'elle jouit avec le bois d'un meuble (sic) ou même avec des enfants et des animaux (sic), ce n'était pas possible de laisser dire cela publiquement. Un psychanalyste aurait du travail pour des années avec ce délirant misogyne...<br /> <br /> <br /> <br /> *******
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L
Bon si je veux faire mon prophete il faut donc que je me trouve une femme pour qu'elle puisse avoir une revelation et croire à l'impossible ?<br /> <br /> C'est pire que de trouver du boulot ou faire des etudes de vouloir etre prophete....
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